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INTERNATIONAL CRISIS GROUP: Congo : l’enlisement du projet démocratique

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09042010

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Recopié du document original qui est disponible sur http://www.crisisgroup.org/home/getfile.cfm?id=4364&tid=6614&l=2
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Congo : l’enlisement du projet démocratique





I. SYNTHESE



La consolidation de la démocratie en République démocratique du Congo (RDC) est entravée dans presque toutes ses dimensions et le régime congolais reste fragile. Lorsque Joseph Kabila est devenu le premier président élu démocratiquement en 2006, la communauté internationale a considéré cette élection comme une avancée majeure du processus de paix. Aujourd’hui, l’équilibre des pouvoirs est quasiment inexistant. Le cabinet présidentiel a pris l’ascendant sur le gouvernement, le parlement et le pouvoir judiciaire. Les libertés fondamentales sont fréquemment menacées et des réformes institutionnelles essentielles – la décentralisation et la réforme du secteur de la sécurité – n’ont pas significativement progressé.

A moins que les autorités politiques congolaises ne redonnent en 2010 un nouvel élan à la transformation démocratique et au renforcement des institutions, les avancées obtenues durant la période de transition et l’effort international consenti pour stabiliser ce géant régional sont compromis. Les partenaires extérieurs du Congo doivent remettre la démocratisation et la réforme institutionnelle au centre de leur dialogue avec le gouvernement de Joseph Kabila et ils doivent lier l’aide au développement qu’ils lui accordent aux progrès enregistrés sur ces sujets.

En 2006, pour la première fois dans l’histoire de la RDC, les Congolais choisissent leurs dirigeants nationaux et provinciaux à travers des élections crédibles. L’année précédente, ils ont adopté par référendum la constitution la plus démocratique de leur histoire. Elle traduit une détermination apparente à rénover radicalement la gouvernance politique et économique et à reconnaître les aspirations démocratiques inassouvies depuis l’indépendance. La mise en œuvre de cette nouvelle constitution nécessite des réformes institutionnelles fondamentales, telles que la décentralisation et la refonte des structures de sécurité.



L’origine de ce dessein politique remonte aux négociations de Sun City qui mirent fin à des années de guerre civile et à la Conférence souveraine du début des années 1990. Il associe le retour d’une paix durable au Congo à l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces, tout autant qu’à l’établissement de véritables contre-pouvoirs à leur niveau respectif.

Kabila a obtenu un mandat de cinq ans en s’associant à cette vision durant la campagne électorale. Il s’est engagé à redresser un Etat défaillant et à combattre la corruption ; il a proposé un programme de reconstruction du Congo suivant cinq priorités stratégiques : les infrastructures, la santé, l’éducation, l’habitat et l’emploi ; il a promis de promouvoir la démocratisation, notamment en respectant l’Etat de droit et en organisant des élections locales. Presque quatre ans plus tard, le constat est néanmoins accablant. La présidence a entrepris d’étendre son pouvoir sur les autres branches de l’Etat et entretient des réseaux parallèles de prise de décision.

L’exécutif conduit une campagne anti-corruption orientée politiquement qui met en cause l’indépendance de la justice. Le régime utilise les moyens financiers et les outils de coercition à sa disposition pour éliminer les contestations et pour réduire les insurrections locales qui éclatent depuis 2006. Kabila examine la possibilité de modifier la constitution sous le prétexte de résoudre les difficultés rencontrées dans la mise en place de la décentralisation. Tout amendement constitutionnel ayant pour effet de concentrer davantage de pouvoir à la présidence ou de limiter les expressions dissidentes menacerait cependant un système de contre-pouvoir déjà très affaibli. Il est aujourd’hui peu probable que les élections locales se tiennent avant la fin de la législature courante, ce qui risque de compromettre le respect du délai constitutionnel de la fin 2011 pour tenir les élections générales.

Malgré cette tendance autoritaire, la communauté internationale, qui s’est pourtant beaucoup investi dans le processus de paix, est demeurée globalement silencieuse. Les autorités nationales sont extrêmement sensibles aux signes assimilables à une tutelle extérieure. Invoquant le principe de souveraineté, le gouvernement congolais demande le retrait rapide de la mission de maintien de la paix des Nations unies (MONUC) d’ici l’été 2011 et annonce qu’il prendra en charge l’organisation des prochaines élections générales. Il négocie l’allégement de la dette congolaise qu’il espère obtenir avant les célébrations du cinquantième anniversaire de l’indépendance prévues pour le 30 juin 2010.

Compte tenu de la taille du pays et des tensions politiques internes déjà existantes, la RDC est sujette à des rébellions locales alimentées par des querelles intercommunautaires. Certaines insurrections ont démontré un potentiel suffisant pour entraîner une perte de contrôle des autorités. Dans ce contexte, une nouvelle stratégie internationale doit être conçue pour relancer le mouvement de consolidation démocratique et pour prévenir de nouveaux risques de déstabilisation.

Poursuivre le projet démocratique est indispensable pour stabiliser le Congo à moyen et à long terme. Produire un nouvel élan susceptible d’inverser la tendance actuelle exige que les réformes institutionnelles et le programme législatif cessent d’être uniquement considérés sous leurs aspects techniques. Ils représentent d’abord un véritable test de la volonté politique du gouvernement d’améliorer les pratiques de pouvoir et ils doivent constituer un élément central de tout dialogue portant sur l’attribution de nouvelles aides internationales. Les étapes suivantes sont nécessaires pour relancer la transformation démocratique :

- Entamer immédiatement la préparation des élections générales de 2011. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) doit être établie rapidement et un budget adéquat doit simultanément lui être attribué. Dans l’intervalle, les autorités électorales actuelles doivent présenter un plan opérationnel clair pour ces élections qui servira de base de discussion avec les bailleurs de fonds.

- Institutionnaliser la lutte contre la corruption. Une stratégie de lutte contre la corruption fondée sur les efforts de la société civile et les expériences enregistrées dans d’autres pays sortant d’une période de conflit doit être élaborée et mise en œuvre par des agences indépendantes nouvellement crées.

- Garantir les droits fondamentaux à travers la loi et les institutions. Le parlement doit créer une Commission nationale des droits de l’homme comme indiqué dans la constitution, réviser le code pénal pour se conformer à la convention des Nations unies contre la torture, limiter les pouvoirs de l’agence nationale de renseignement (ANR), et passer une loi protégeant les journalistes, les militants des droits de l’homme et les victimes et témoins de violations des droits de l’homme.

- Harmoniser le processus de décentralisation avec le renforcement de capacités et la dotation budgétaire des provinces et des gouvernements locaux. Le gouvernement de Kinshasa doit mettre en place une commission d’experts nationaux et internationaux pour explicitement décider quand et comment se tiendront les élections locales. Dans le cas où ces élections ne peuvent avoir lieu avant les élections générales de 2011, un nouveau calendrier doit alors être élaboré.

Etablir un partenariat clair entre la communauté internationale et le gouvernement congolais sur la réforme du secteur de la sécurité. Une dimension politique doit compléter l’approche technique actuelle.

- Des critères d’évaluation doivent être élaborés pour mesurer les progrès réalisés et appliquer une approche d’assistance conditionnée.

- Lier l’aide au développement à la gouvernance démocratique. Considérant le rôle essentiel joué par les bailleurs de fonds au Congo, ceux-ci doivent se servir de leur influence financière et politique pour soutenir le processus de construction d’institutions démocratiques. Les nouveaux partenaires asiatiques du Congo doivent être encouragés à inscrire leurs interventions dans cette perspective dans la mesure où ils ne peuvent que bénéficier de l’existence d’un régime plus stable et efficace avec lequel coopérer et commercer.





II. LA TROISIEME REPUBLIQUE OU LA PROMESSE DEMOCRATIQUE



En remportant l’élection présidentielle au second tour de scrutin du 29 octobre 2006, Joseph Kabila obtient une légitimité démocratique inédite depuis 40 ans en République démocratique du Congo (RDC). Placé en janvier 2001 à la tête de l’Etat après l’assassinat de son père, Laurent-Désiré Kabila, puis désigné président d’un gouvernement de transition en juin 2003, Joseph Kabila devient en 2006 le premier président congolais élu par le peuple à l’issue d’un processus électoral crédible. Même si les provinces de l’Ouest du pays ont majoritairement voté pour un autre candidat au premier tour – Jean-Pierre Bemba ou Antoine Gizenga – la réussite de l’élection présidentielle nourrit les espoirs de paix d’une population congolaise épuisée par dix années de violence, de guerres civiles et d’occupation étrangère.



A. UNE FEUILLE DE ROUTE POUR

CONSOLIDER LA DEMOCRATIE



1. Les promesses du candidat Kabila : contrat de gouvernance et réformes institutionnelles



Les engagements de campagne du candidat Kabila en 2006 sont destinés à rencontrer les souhaits et les préoccupations des électeurs congolais et des partenaires étrangers dont il sollicite le soutien. Pour favoriser la reprise économique, Kabila prévoit de concentrer d’importantes ressources sur la construction d’infrastructures, la santé et l’éducation, l’eau et l’électricité, le logement, ainsi que l’emploi. Résumé au moment de l’élection par la formule des « cinq chantiers », ce programme de reconstruction du Congo deviendra emblématique de son premier quinquennat sous la Troisième République.

Dans son discours d’investiture du 6 décembre 2006, Kabila annonce vouloir provoquer une révolution profonde des mentalités pour mettre fin à la crise de gouvernance du pays. Sa dénonciation de la corruption est immédiate et sans compromis puisqu’il annonce « la fin de la recréation sous toutes ses formes et la fin de l’impunité à quelque niveau que ce soit ». Les contrevenants à la loi sont menacés d’emprisonnement. Kabila s’engage à respecter la constitution en renforçant les capacités institutionnelles de l’Etat et des acteurs non étatiques, ainsi qu’en protégeant l’opposition politique. Il déclare à la foule congolaise et aux dignitaires étrangers réunis à Kinshasa que son mandat sera guidé par la trilogie bonne gouvernance – démocratie – respect des droits de l’homme.

Le programme électoral et son discours d’investiture sont donc autant de promesses de ramener la paix à l’Est, de bâtir un Etat fonctionnel au service des citoyens, de consolider la démocratie et d’améliorer les conditions de vie de tous les Congolais. A la clôture des scrutins, les partenaires internationaux redéfinissent aussi leur rôle en RDC. Avec la disparition du Comité international d’appui à la transition (CIAT), l’implication politique de leurs diplomates à soutenir un processus de paix semble alors moins nécessaire que le soutien technique de leurs experts pour aider le Congo à réformer son système de gouvernance.

La constitution de la Troisième République a été adoptée par référendum le 18 décembre 2005 et promulguée par Joseph Kabila le 18 février 2006. La Troisième République est caractérisée par un régime semi-présidentiel et par une large décentralisation en rupture complète avec le système dictatorial et centralisateur de Mobutu. La constitution instaure sur le papier un véritable équilibre des pouvoirs et contient un article essentiel, l’article 220. Cet article-verrou exclut la possibilité de procéder à une révision constitutionnelle portant sur les éléments vitaux de la démocratie congolaise tels que « la forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme politique et syndical ». Cet article interdit également de réduire les droits et les libertés de la personne et les prérogatives des provinces et des entités territoriales décentralisées.

La nouvelle constitution ouvre un chantier institutionnel considérable. Sa mise en œuvre ne requiert rien moins que l’adoption de 23 lois organiques, dont vingt directement liées à la réforme des institutions, et 46 lois ordinaires. Un travail législatif important doit donc être engagé rapidement pour mettre en place la nouvelle architecture institutionnelle et faire de la RDC un Etat de droit. Dans cette perspective, le Premier ministre Gizenga présente au Parlement en février 2007 un « Contrat de gouvernance » qui définit les priorités du gouvernement en termes de réformes : réforme du secteur de la sécurité, lutte contre la corruption, réforme des finances publiques, de la gestion des ressources naturelles, de la gouvernance locale, de l’administration et des entreprises publiques.

Les tours de scrutin du 30 juillet et 29 octobre 2006 ont combiné les élections présidentielles avec les élections législatives et provinciales. Comme le chef de l’Etat, les membres des parlements nationaux et provinciaux ainsi que les onze gouverneurs de provinces ont été élus pour un mandat de cinq ans. A l’issue des élections générales, Kabila rassemble, au sein de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP), un ensemble disparate de 30 partis politiques comprenant le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) qu’il a fondé en 2002. Cette coalition occupe initialement 338 des 500 sièges à l’Assemblé nationale et 55 des 108 sièges au Sénat. Elle détient théoriquement une majorité suffisamment large au Parlement pour voter les lois nécessaires aux réformes promises par le nouveau président.

La structure de l’Etat congolais a fait problème dès l’indépendance en 1960. A cette époque, les « fédéralistes » menés par Moïse Tshombe, le dirigeant de la sécession katangaise, s’opposent violemment aux « unitaristes » dont Patrice Lumumba, le premier Premier ministre de la RDC, est le héraut. Parvenu à la tête du pays quelques années plus tard, Mobutu prend soin de priver les provinces d’autonomie politique et administrative. L’opposition entre « fédéralistes » et « unitaristes » n’a pas manqué de resurgir lors de la Conférence nationale souveraine qui se tient de 1990 à 1992 et durant la transition politique de 2003 à 2006. A ces deux occasions, un consensus politique s’établit sur la nécessité de la décentralisation pour améliorer la gouvernance au Congo. La décentralisation doit enraciner la démocratie en renforçant la responsabilité des élus congolais et en réduisant la distance qui les sépare de ceux qu’ils représentent. Elle est aussi appelée à être un outil de résolution des conflits qui institue un dialogue rééquilibré entre Kinshasa et les provinces.

La nouvelle constitution consacre la structure régionale de l’Etat congolais. La RDC doit passer de 11 provinces à 26 provinces, dont la ville de Kinshasa. Des transferts de compétences et de moyens financiers sont nécessaires pour qu’elles puissent assumer l’ensemble impressionnant de 54 matières qui relèvent de leur compétence exclusive ou qu’elles partagent avec le pouvoir central. Le calendrier imposé par la constitution est particulièrement serré. Les nouveaux gouvernements et les députés provinciaux sont entrés en fonction au cours des quelques mois suivant les élections de 2006. L’article 226 impose que le nouveau découpage territorial entre en vigueur 36 mois après l’installation du Sénat, soit le 14 mai 2010. Par ailleurs, le nouveau régime doit tenir rapidement les premières élections locales de la Troisième République avant les élections générales en 2011.

La difficulté tient partiellement au fait qu’il a fallu négocier rapidement durant la transition pour ne pas ralentir le processus de paix. On s’est parfois accordé sur des mesures mal conçues, tel que le tracé des quinze nouvelles provinces qui est contesté dès son annonce. D’autres mesures s’annoncent délicates à faire appliquer car elles modifient fondamentalement les pratiques politiques antérieures en instituant un système proche du fédéralisme. Le partage des recettes nationales à raison de 40 pour cent et de 60 pour cent entre les provinces et le pouvoir central va, par exemple, bouleverser la gouvernance financière du pays et les rapports de pouvoir sur le territoire.

La gouvernance du secteur de la sécurité, qui inclut la justice, l’armée et la police, nécessite aussi d’être réorganisée rapidement sur des bases démocratiques. L’objectif est double. Il s’agit de faire en sorte que la justice soit indépendante et que les services de sécurité cessent d’être des outils d’oppression, fonctionnant à la discrétion du président, comme à l’époque de Mobutu, et que leurs activités soient soumises à un contrôle parlementaire et judiciaire. Il s’agit également de reconstruire un système de sécurité qui se trouve dans le même état sinistré que les autres administrations congolaises.

Au moment des élections, les tribunaux et les cours de justice sont rares sur le territoire national. Seuls 50 sont en place alors que 180 sont prévus par la loi. Les magistrats, environ 2 000 pour 60 millions d’habitants, sont mal formés, sous-payés et très souvent corrompus. Les prisons fonctionnent sans personnel et sans budget. Les montants décaissés en 2006 pour la justice représentent 1,27 pour cent des dépenses globales de l’Etat congolais.

Le montant alloué officiellement à la présidence de la République est alors pratiquement trois fois supérieur au budget de la justice.

La constitution stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif et les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi. Cette exigence démocratique nécessite alors de remplacer l’architecture judiciaire de l’époque Mobutu par des juridictions supérieures non soumises au pouvoir politique. Il est prévu que l’ancienne Cour suprême de justice disparaisse et que ses compétences soient réparties entre une Cour constitutionnelle, un Conseil d’Etat et une Cour de cassation restant à créer. La constitution institue également un Conseil supérieur de la magistrature composé quasi exclusivement de juristes qui a pour rôle de gérer le pouvoir judiciaire en lieu et place de l’exécutif.

La police ne connaît pas réellement ses effectifs et n’a pas de budget de fonctionnement mais des « enveloppes de fonctionnement ». Elle est divisée en de nombreux services spécialisés dont la police des mines, la police judiciaire des parquets, les gardes municipaux, les gardes des parcs naturels, etc. L’armée est dans un état bien plus préoccupant encore. Suite à l’accord global et inclusif de 2002, les différents belligérants congolais ont consenti à intégrer leurs troupes au sein d’une nouvelle armée nationale, les Forces armées de la RDC (FARDC). 340 000 combattants sont initialement inscrits sur les registres de paiement mais les observateurs estiment leurs effectifs réels à 130 000.

Pendant la transition, les soldats FARDC continuent d’obéir à des chaînes de commandement parallèles minées par la corruption et par les calculs politiques. Sans entraînement véritable ni doctrine militaire commune, ils sont irrégulièrement payés, vivent en campagne en taxant les populations et nombre d’entre eux restent impunis pour les crimes de guerres et les violations des droits de l’homme qu’ils ont commis. Au lendemain des élections de 2006, l’Etat congolais ne dispose donc pas d’une armée « apolitique », « soumise à l’autorité civile » et capable de « défendre l’intégrité du territoire national et des frontières » comme le prévoit la constitution.

Face à ces problèmes, la constitution impose la redéfinition totale du cadre légal des services de sécurité. Deux lois organiques sont prévues pour les forces armées, une pour la police et six pour la justice. Le Contrat de gouvernance met l’accent sur le respect du droit par ces services, la démilitarisation de la police, la lutte contre l’impunité et l’élaboration de politiques dans les trois secteurs concernés.

En début de mandat, l’agenda des réformes démocratiques est donc particulièrement chargé. Sa mise en œuvre est politiquement sensible. Engager la reconstruction de la justice, de la police et des FARDC est difficile alors que le conflit se poursuit au Nord Kivu et qu’une corruption endémique affecte le secteur de sécurité. En outre, beaucoup des personnages politiques congolais de l’après-transition qui sont appelés à faire passer les lois ont participé aux gouvernements Mobutu ou ont dirigé des groupes armés. Décentraliser et créer 26 provinces est aussi difficile dans un pays où l’administration est déficiente et où les équilibres de pouvoir sont encore fragiles, aussi bien entre des provinces travaillées par des forces centrifuges et le gouvernement central qu’au sein même de provinces marquées par des tensions ethniques vives. La décentralisation doit également éviter de répliquer au niveau local les dysfonctionnements du niveau national et correspondre à la construction d’institutions décentralisées responsables, fonctionnelles et elles-mêmes soumises à un équilibre des pouvoirs.
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INTERNATIONAL CRISIS GROUP: Congo : l’enlisement du projet démocratique :: Commentaires

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Message 9/4/2010, 9:36 pm  Admin

I. TROIS ANS PLUS TARD, UNE DEMOCRATISATION EN PERIL



Alors que la seconde moitié du mandat des responsables politiques congolais élus en 2006 est entamée, le programme de réformes prévu par la constitution et le Contrat de gouvernance n’a pas été suivi. La consolidation démocratique semble interrompue, voire menacée d’abandon. Au cours des trois dernières années, la présidentialisation du pouvoir s’est accentuée, les velléités de contestation ont été réprimées et la mise en œuvre de la constitution s’est enlisée.



A. LA CENTRALISATION DU POUVOIR



Les élections multipartites, la séparation des pouvoirs, le respect des contre-pouvoirs et des libertés fondamentales sont censées être les principes directeurs de la démocratie congolaise. En réalité, des réseaux parallèles de prise de décision liés à la présidence imposent leur prééminence sur le gouvernement ainsi que sur les pouvoirs législatif et judiciaire.



1. Prééminence des conseillers de la présidence sur le gouvernement



En nommant Antoine Gizenga au poste de chef de gouvernement en début de mandat, Kabila s’attache un chef de gouvernement incapable de remplir ses fonctions. Octogénaire et physiquement affaibli, Gizenga ne peut ni assumer la quantité de travail correspondant à sa fonction ni imposer son autorité dans les allées du pouvoir. Son parti, le Parti lumumbiste unifié (PALU), est formellement la troisième force du Parlement après le PPRD du président et le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, mais il ne dispose que de 34 députés et de deux sénateurs. Rapidement, Kabila a commencé à présider de nombreux conseils des ministres en l’absence de son Premier ministre.

Critiqué au sein même de la majorité parlementaire pour son immobilisme, Gizenga démissionne le 25 septembre 2008 et laisse la place à Adolphe Muzito, son adjoint à la direction du PALU. Malgré la nomination d’un nouveau gouvernement le 26 octobre 2008, les rapports entre le président et le Premier ministre ne se rééquilibrent pas. Une lettre du cabinet présidentiel rapportée par la presse le 5 juin 2009 demande à Muzito de ne plus engager de dépense sans l’accord préalable du chef de l’Etat.



Les prérogatives du Premier ministre sont rognées et son autorité affaiblie. De très nombreuses décisions relevant de la primature sont en fait prises à la présidence. Des conseillers du cabinet de Kabila sans mandat officiel imposent leurs décisions aux ministres dans leur champ de compétence. L’influence d’Augustin Katumba Mwanke sur les affaires politiques et minières génère des critiques sur l’opacité des mécanismes de prise de décision à Kinshasa.

Les affaires de sécurité en particulier échappent aux circuits officiels de prise de décision. La stabilisation des provinces orientales est pilotée directement par l’entourage de Kabila. Fin 2008, c’est John Numbi, l’inspecteur général de la police congolaise, qui est envoyé secrètement au Rwanda pour négocier l’éviction de Laurent Nkunda de la direction du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) et le lancement d’une opération militaire des deux pays contre les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda). Le général Didier Etumba, chef d’état-major général des FARDC, n’est informé de l’opération militaire que quelques jours avant son lancement en janvier 2009. Le groupe des conseillers katangais, qui comprend parmi ses membres les plus influents Katumba Mwanke et Numbi, est impliqué dans la plupart des dossiers sensibles et maintient, comme pendant la transition, un système de prise de décision parallèle au gouvernement.



2. Mise au pas du Parlement



L’exil forcé en Europe à partir du mois d’avril 2007 de Jean-Pierre Bemba, puis son arrestation obtenue par la Cour pénale internationale en mai 2008 plonge l’opposition parlementaire dans la confusion. Incapables de s’accorder sur une stratégie en son absence, les dirigeants du MLC à Kinshasa ne tirent pas avantage du nouveau statut de l’opposition établi par la loi du 4 décembre 2007 et de leur importante représentation au Sénat pour constituer un véritable contrepoids à l’AMP. Alors que la loi du 4 décembre 2007 donne au porte-parole de l’opposition un rang de ministre d’Etat, le MLC est incapable de designer une personnalité à cette fonction, voulant la préserver pour un éventuel retour de Jean-Pierre Bemba. L’opposition en RDC ne dispose ainsi pas de figure politique capable de lui faire remplir son rôle de contre-pouvoir au Parlement.

Cependant, le premier président élu de l’Assemblée nationale de la Troisième République, Vital Kamerhe, ancien secrétaire général du PPRD, s’efforce de donner à l’Assemblée une fonction tribunicienne et de contrôle de l’action gouvernementale. Il gère initialement les débats d’une manière équitable, permettant à l’opposition de s’affirmer durant les sessions télévisées de la chambre basse. C’est durant sa présidence que des critiques sont adressées au gouvernement sur deux dossiers sensibles : les relations angolo-congolaises et le contrat chinois.

Alors que le gouvernement essayait de minimiser l’incident, l’occupation de Kahemba, une zone frontalière dans la province du Bandundu, par des troupes angolaises au début de l’année 2007 a provoqué une très vive réaction des parlementaires congolais. Ces derniers ont constitué une commission d’enquête bipartisane et ont mis en cause l’attitude conciliante du ministre de l’Intérieur de l’époque, Denis Kalume, à l’égard de Luanda. En dénonçant l’incursion, les parlementaires indisposaient aussi Kabila qui était alors soucieux de ménager son allié angolais. Cette première critique du Parlement contre le gouvernement devait être suivie d’un second mouvement d’humeur en 2008.

A la suite de son investiture fin 2006, Kabila a confidentiellement mandaté le ministre des Infrastructures, Pierre Lumbi, pour négocier un accord « infrastructures contre matières premières » avec la Chine. Lumbi obtient la signature d’un accord le 17 septembre 2007. Il est convenu que des sociétés chinoises réalisent des travaux d’infrastructures d’une valeur de six milliards de dollars et investissent trois milliards de dollars supplémentaires dans le cadre d’un joint-venture avec la Gécamines, l’entreprise minière publique congolaise qui opère dans la province du Katanga. En contrepartie, elles obtiennent des droits sur 25 ans portant sur 10,6 millions de tonnes de cuivre et 626 000 tonnes de cobalt. L’accord de coopération sino-congolais prévoit une garantie de l’Etat congolais sur cette composante minière. Le Fonds monétaire international (FMI) redoute cependant que cette garantie se transforme en dette supplémentaire, et oppose une fin de non-recevoir à l’allégement de la dette congolaise tant que cette question ne sera pas clarifiée.

La structure du contrat chinois reste très opaque et malgré l’importance de l’enjeu pour la RDC, la représentation nationale n’a pas accès aux détails des négociations. La publication de l’accord par un journal quotidien le 8 mai 2008 soulève une vague de protestations. Le 12 mai 2008 au Parlement, l’opposition dénonce devant les caméras de télévision un contrat « léonin ». Elle estime la valeur des seuls gisements de cuivre à 85 milliards de dollars et accuse le pouvoir d’avoir « bradé les intérêts du pays ». De La Haye, Jean-Pierre Bemba dénonce même le « plus grand hold-up » du siècle. Après avoir demandé communication officielle du contrat au gouvernement, le Parlement organisa une session spéciale au cours de laquelle l’exécutif dut s’expliquer. Sceptiques, les parlementaires toutes tendances confondues adoptèrent dix recommandations pour une bonne gestion de ce contrat à l’intention du gouvernement. La critique contre le projet phare de Kabila est vivement ressentie à la présidence, Kamerhe étant accusé de ne pas contrôler suffisamment l’Assemblée nationale.

Kabila a remporté les élections présidentielles de 2006 grâce aux votes des provinces orientales qui attendent le retour de la sécurité. Sa popularité demeure faible chez les Congolais de l’Ouest et de la capitale du Congo. Mais, depuis le début de son mandat, les milices des provinces orientales n’ont pas été désarmées. Le CNDP de Laurent Nkunda défait et humilie plusieurs fois l’armée nationale envoyée à ses trousses par Kinshasa. L’interposition des casques bleus de la MONUC dans la province du Nord Kivu, d’abord dans le village de Sake en 2007, puis aux portes de la ville de Goma en 2008, empêche sa victoire totale. La base électorale de Kabila s’effrite donc considérablement à l’Est du pays, tandis que Vital Kamerhe, originaire du Sud Kivu, se fait remarquer par son implication dans les négociations de la conférence de Goma en janvier 2008. Dans le même temps, les séances de l’Assemblée nationale étant régulièrement retransmises à la télévision, Kamerhe commence à bâtir une stature qui dépasse son Sud Kivu natal.

Six mois après l’épisode du contrat chinois, Kamerhe critique ouvertement la décision du président Kabila d’autoriser une participation rwandaise à une opération militaire contre les FDLR. Le 21 janvier 2009, il qualifie de « grave » l’entrée de soldats rwandais au Nord Kivu et met en garde contre le risque de dommages collatéraux. En février 2009, 260 députés de l’Assemblée nationale, y compris des membres de l’AMP, signent une pétition pour réclamer un débat et davantage de transparence sur le contenu de l’accord passé par Kabila avec son homologue rwandais. Kamerhe a franchi une limite.

Renforcé par l’apparente réussite de la campagne militaire conjointe et le retrait des bataillons rwandais dans les derniers jours de février – dans les délais qu’il a imposés – Kabila entreprend de l’écarter. En mars 2009, les députés de l’AMP mobilisés par la présidence contraignent Kamerhe à démissionner de ses fonctions. A partir du 17 avril 2009, Evariste Boshab, un proche du chef de l’Etat, le remplace au perchoir de l’Assemblée. L’élimination politique de Kamerhe prend valeur d’exemple pour tous les contestataires potentiels, et la domination de Kabila sur le pouvoir législatif s’accentue.

Au sein de l’AMP comme des partis d’opposition, la tentation est faible de défendre fermement les prérogatives de la branche législative face à la concentration du pouvoir par la présidence. En janvier 2007, d’importants montants financiers ont été utilisés pour obtenir que des députés provinciaux de l’opposition votent pour un candidat de l’AMP à l’élection des gouverneurs de provinces. La majorité présidentielle obtient alors les postes de gouverneur du Bas-Congo, Kinshasa et du Kasaï Occidental. Dans les assemblées de ces trois provinces, le rapport de force est pourtant théoriquement favorable à l’opposition. Pour convaincre les députés de la majorité de se prononcer en faveur du départ de Kamerhe du perchoir de l’Assemblée nationale, une somme de plusieurs centaines de milliers de dollars a également été distribuée.



3. Lutte anti-corruption contre justice



Plusieurs atteintes ou tentatives d’atteinte à l’indépendance de la justice proclamée par la constitution se sont produites. Après les suffrages de 2006, le Parlement a dénoncé l’invalidation de plusieurs députés par la Cour suprême de justice qui assumait alors le rôle de juge des élections. La dénonciation d’un « gouvernement des juges » s’est traduite par des velléités de révision de l’article 152 de la constitution afin de faire entrer au Conseil supérieur de la magistrature le président de la République ou le ministre de la Justice. Par deux fois, sous prétexte de lutter contre la corruption, des dizaines de magistrats sont mis à la retraite ou révoqués sans suivre les procédures réglementaires.

En effet, la présidence a totalement investi le champ de la lutte contre la corruption à défaut d’avoir encouragé une stratégie gouvernementale. Kabila dénonce les dégâts de la corruption à chaque discours important. Le 17 mai 2007, durant une cérémonie célébrant les dix ans de la victoire de son père sur Mobutu, il l’inclut parmi les antivaleurs qui minent le pays. A l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance du Congo, il encourage le 30 juin 2007 ses concitoyens à « opérer une véritable révolution morale » et annonce le 30 juin 2008 une « politique de tolérance zéro ». Un an plus tard, lors du même rendez-vous avec les Congolais, Kabila met très fortement en cause les juges. Il explique que « la justice est elle-même au banc des accusés » et que les magistrats ont abusé de l’indépendance liée à leur charge.

« L’assainissement » auquel procède le président concerne donc initialement le pouvoir judiciaire. En une première vague de départs forcés le 9 février 2008, 92 magistrats du siège et du parquet sont remplacés immédiatement par 26 nouveaux promus. Le 15 juillet 2009, le président signe des ordonnances de révocation pour une seconde vague de 90 professionnels de la justice et un concours est organisé pour en recruter davantage. Ensuite des fonctionnaires de différents ministères et organismes de l’Etat sont mis à l’écart dans le cadre de la politique de « tolérance zéro » contre la corruption.

Quel que soit leur bien-fondé, ces mesures disciplinaires voulues par la présidence ne sont pas motivées individuellement et sont d’une légalité contestable. Elles n’ont pas de suites judiciaires et s’apparentent à une opération de relations publiques. De fait, les remplacements de magistrats ne correspondent pas nécessairement à un nettoyage anti-corruption, mais à la mise en place d’une nouvelle clientèle judiciaire politiquement docile et sujette aux même travers que ses prédécesseurs. Assimilées à des purges rappelant « l’affaire des 315 », ces mesures ont été prises sans consultation du Conseil supérieur de la magistrature et ont confirmé la mainmise de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire. Alors que les magistrats sont ciblés et qu’il est devenu courant de payer des parlementaires pour faire voter des lois, susciter ou rejeter des motions contre des membres du gouvernement ou des gouverneurs provinciaux, aucun des grands acteurs politiques impliqués dans des affaires de corruption n’est jamais inquiété.

La lutte contre la corruption devient aussi une arme politique. A l’automne 2009, le seul gouverneur issu du MLC, José Makila, est renversé par une motion de censure de l’assemblée provinciale suscitée par la révélation d’une affaire de corruption tandis que le gouverneur du Nord Kivu fait l’objet d’une manœuvre identique qui échoue temporairement au début de l’année 2010. Dans les deux cas, l’accusation de corruption a surtout fait figure de prétexte pour évincer ou tenter d’évincer des gouverneurs gênants.

Malgré l’actuelle campagne anti-corruption, la situation ne semble guère s’améliorer. Le 24 septembre 2009, un rapport présenté au Sénat congolais sur les pratiques dans l’industrie minière du pays révèle que 92 millions de dollars ont été collectés en taxes par les services de l’Etat. Les sénateurs estiment que leur perception aurait dû rapporter 450 millions de dollars supplémentaires à l’Etat sans les malversations et la mauvaise gouvernance répandues dans le secteur minier. Fin janvier 2010, une commission de l’Assemblée nationale évalue que la moitié d’une avance de 50 millions de dollars versée dans le cadre du contrat chinois a été détournée par la direction de la Gécamines. Pour l’année 2009, l’indice de corruption perçue mesuré par l’organisation indépendante Transparency International place la DRC au 162ème rang des 180 pays étudiés.

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Message 9/4/2010, 9:37 pm  Admin

B. L’IMPOSITION BRUTALE DE L’AUTORITE PRESIDENTIELLE



1. Répression des rébellions



Depuis 2006, Kabila a utilisé la force à plusieurs reprises pour réduire les tentatives d’opposition à l’autorité de l’Etat. Il n’a accepté d’ouvrir des phases de dialogue avec ses adversaires qu’après avoir été mis en difficulté par un revers militaire.

Deux mois après son investiture, les membres du groupe politico-religieux Bundu dia Kongo (BDK) implanté dans la province stratégique du Bas-Congo, planifient des manifestations contre la corruption utilisée pour faire élire un candidat de l’AMP au poste de gouverneur du Bas-Congo. Le 31 janvier 2007, la police tire sur des partisans du BDK durant une tentative d’arrestation de leur leader. Le ministre de l’Intérieur, Denis Kalume Numbi, déploie des unités de l’armée et de la police depuis Kinshasa pour rétablir l’ordre. Jusqu’au début du mois de mars 2007, elles abattent selon Human Rights Watch (HRW) 104 civils et procèdent à des arrestations massives. Un an plus tard, le gouvernement mène une nouvelle opération au Bas-Congo pour mettre fin à des actes de rébellion du BDK. Pendant deux semaines à partir du 28 février 2008, la police tue alors de 100 à plus de 200 personnes selon les estimations de la MONUC et de HRW.

En août 2006, durant l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, un affrontement à Kinshasa entre la garde présidentielle et les miliciens protégeant Jean-Pierre Bemba a fait une vingtaine de victimes. Le 21 mars 2007, l’ordre est donné à la garde présidentielle de désarmer par la force les hommes de Bemba dans la capitale. Le chef du MLC a promis de mener « une opposition républicaine » au nouveau pouvoir mais refuse de dissoudre sa garde personnelle. Deux jours de combats à l’arme lourde font plusieurs centaines de victimes militaires et civiles dans les rues de la capitale congolaise. Le principal adversaire politique de Kabila est, cette fois, contraint à quitter la RDC sous la protection de la MONUC pour s’exiler au Portugal. Son arrestation ultérieure à Bruxelles et sa mise en détention dans une prison de la Cour pénale internationale affaiblissent durablement le MLC.

Entre juin et décembre 2007, puis entre août et novembre 2008, les militaires congolais sont mobilisés au Nord Kivu pour tenter de mater la rébellion du général Laurent Nkunda. Chaque tentative de résolution négociée du conflit aboutira à des accords sans lendemain, minés par la mauvaise volonté de Kinshasa, l’intransigeance de Nkunda et surtout la corruption, aboutissant à trois reprises à des défaites humiliantes pour les FARDC. La plus spectaculaire d’entre elles, au tournant des mois de septembre et octobre 2008, oblige finalement Kabila à prendre langue avec le président rwandais, et à solliciter son appui pour neutraliser Nkunda.

Les deux chefs d’Etat s’accordent sur la mise en œuvre d’un plan incluant l’arrestation de Nkunda, l’intégration du CNDP dans les structures politico-militaires du Kivu et le lancement d’opérations militaires pour démanteler les FDLR au Congo. L’intégration du CNDP au sein des FARDC permet à Kabila d’annoncer le retour de la paix, une promesse de campagne importante, même si celle-ci reste extrêmement fragile et le CNDP n’est pas véritablement démantelé, conservant une chaîne de commandement parallèle sur ses hommes au sein de l’armée nationale.

Dans ses vœux télévisés aux congolais, le 31 décembre 2009, Kabila se réjouit que « pour la première fois depuis quinze ans, le peuple congolais renouvelle l’année dans la paix, sans bruits de bottes, ni crépitement des balles sur toute l’étendue du territoire national ». Pourtant, de nouveaux troubles ont éclaté à la fin du mois d’octobre 2009 dans la province de l’Equateur. Depuis l’été 2009, les tensions ethniques se sont considérablement aggravées dans la zone de la ville de Dongo sur la base de revendications socioéconomiques ignorées par les autorités politiques depuis les années 1940. Déclenché à la suite d’une querelle sur des droits de pêche, un conflit violent entre tribus Enyele et Munzaya provoque un nouveau massacre de civils le 29 octobre 2009 et un déplacement massif de population. Près de 130 000 Congolais franchissent la frontière avec la République du Congo voisine ou la République centrafricaine pour y trouver refuge. Le 27 novembre 2009, les FARDC et la MONUC évacuent sous les balles la ville de Dongo.

Des groupes d’Enyele progressent vers l’important carrefour régional qu’est la ville de Gemena. En réponse à cette situation qui lui échappe, la hiérarchie militaire congolaise décide de redéployer des troupes de tout le pays avec le soutien de la MONUC pour reprendre le contrôle de l’ouest de la province. L’intervention d’un bataillon commando très récemment formé par la Belgique permet de modifier la dynamique jusqu’alors défavorable aux troupes gouvernementales. Le 1 janvier 2010, la MONUC annonce à la presse que la principale base des Enyele a été reprise par les FARDC au prix de la mort de 157 insurgés et d’un soldat régulier.

Fort de cette victoire militaire, les autorités de Kinshasa ont considéré que la crise avait été réglée. Avec l’assistance de la MONUC, elles ont entrepris d’inciter vigoureusement les populations déplacées à retourner dans leurs villages. Le conflit en Equateur n’est cependant pas résolu. Le 4 avril 2010, un groupe de combattants soupçonnés d’appartenir à la tribu des Enyele attaque par surprise la capitale provinciale, Mbandaka, située à plus de 500 kilomètres au sud de Dongo. En prenant temporairement le contrôle de l’aéroport de la ville et en provoquant la mort de trois personnels de la MONUC, les rebelles démontrent spectaculairement les difficultés rencontrées par l’Etat congolais pour mettre fin aux conflits locaux en RDC.



2. Intimidation des critiques



De manière croissante depuis 2007, la critique publique des décisions présidentielles provoque des réactions brutales et intimidantes. Elles sont majoritairement le fait de l’Agence nationale du renseignement (ANR) présente dans toutes les provinces du Congo. L’ANR est un service de renseignement placé sous l’autorité du président de la République. Dans de nombreux cas enregistrés par le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH), les victimes directes de l’ANR sont les activistes de la société civile et les journalistes congolais. Lors d’une visite en RDC le 3 juin 2009, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme souligne la nécessité d’adopter un cadre légal pour les activités et les prérogatives de l’ANR. Elle recommande aussi une loi pour la protection des défenseurs des droits de l’homme.

Le BCNUDH relève durant le mois de juillet 2009 que le cas concernant Golden Misabiko « est devenu emblématique de la réduction de la place des défenseurs des droits de l’homme en RDC ». Le 27 mars 2009, à l’occasion d’une visite à Kinshasa du président français Nicolas Sarkozy, un accord de coopération est signé qui prévoit la recherche de gisements d’uranium par la société française Areva en partenariat avec l’entreprise publique congolaise Gécamines. Le 30 mars 2009, la section du Katanga de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO/Katanga), demande par communiqué de presse que l’accord soit rendu public.

Elle publie le 13 juillet 2009 un rapport sur l’opacité qui entoure l’exploitation uranifère au Katanga et mentionne le futur partenariat franco-congolais. Le 24 juillet 2009, l’ANR procède à l’arrestation de Golden Misabiko, le président de la section katangaise de l’ONG. Il sera condamné par un tribunal de Lubumbashi à un an de détention, dont huit mois avec sursis, pour propagation de faux bruits de nature à alarmer la population et provoquer des troubles. Comme le sort de Vital Kamerhe à l’Assemblée nationale, le cas de Golden Misabiko prend valeur d’exemple pour les activistes tentés de critiquer les choix stratégiques de Kabila.

Les médias sont également régulièrement rappelés à l’ordre par le pouvoir. Lors des affrontements de mars 2007 entre la garde présidentielle et les partisans de Jean-Pierre Bemba, le signal des chaines de télévision et de radio appartenant au dirigeant du MLC est interrompu. Les locaux de CKTV et de CCTV sont saccagés et leurs journalistes sont menacés de mort. Pendant les combats de l’été 2008 entre les FARDC et le CNDP, les services de l’ANR arrêtent deux employés de la chaîne privée Global TV et confisquent du matériel de diffusion dans la nuit du 11 au 12 septembre 2008. Cette intervention est provoquée par le passage à l’antenne d’un député du BDK rejetant la responsabilité du conflit sur le gouvernement.

Un mois après de la déroute à travers Goma des FARDC fuyant le CNDP, cinq journalistes de la chaîne privée Raga TV sont détenus par l’ANR pendant 24 heures le 20 novembre 2008. Il leur est reproché la diffusion des propos d’un député de l’opposition mentionnant « la panique autour du chef de l’Etat ». Le 26 février 2010, l’ANR intervient dans les locaux de Radio Liberté à Kisangani pour interrompre un débat diffusé en direct. Les deux responsables politiques de l’opposition provinciales qui participent à l’émission sont arrêtés. Le troisième débatteur n’est pas inquiété. Il est le représentant local du PPRD, le parti du président. Si les médias locaux sont libres en RDC, les interventions régulières de l’ANR ont posé une limite tacite à la critique du chef de l’Etat.

Le ministre de l’Information, Lambert Mende, tente de faire appliquer cette censure aux médias et aux ONG internationales. Le 10 juin 2009, le signal de Radio France Internationale (RFI) est coupé dans les villes de Bunia et de Bukavu pour des raisons de sécurité nationale. Mende reproche à RFI sa couverture des opérations anti-FDLR menées par l’armée congolaise et la MONUC. Le 26 juillet, les relais de RFI sont coupés sur l’ensemble du territoire congolais. Mende accuse cette radio de mener une campagne systématique destinée à démoraliser les FARDC. Deux jours plus tard à Kinshasa, le même ministre congolais qualifie publiquement les ONG internationales Global Witness, Human Rights Watch, et la Fédération internationale pour les droits de l’homme (FIDH) de « terroristes humanitaires ».





C. UNE REFORME INSTITUTIONNELLE EN PANNE



La séquence référendaire et électorale de 2005-2006 devait ouvrir une période de grandes réformes institutionnelles. Or, en cinq ans, peu de progrès a été enregistré dans les deux grands dossiers de décentralisation et de réforme du secteur de la sécurité.



1. Gel du processus de décentralisation



A l’exception du Katanga ou du Bas-Congo, économiquement privilégiées en raison des recettes perçues par les postes-frontière de Kasumbalesa et le port de Matadi, les provinces congolaises sont largement dysfonctionnelles. Les autorités provinciales n’ont pas les moyens humains et financiers d’assumer leurs obligations ou de constituer un budget réaliste. Sans ressources prévisibles, elles ne rétrocèdent pas d’argent aux entités territoriales décentralisées.

Au Nord Kivu, par exemple, les députés, les ministres et les agents des services administratifs provinciaux ne reçoivent pas de salaire durant l’été 2009. Les subsides qui leur sont accordés de manière opaque proviennent de la cassette du gouverneur, elle-même alimentée par l’argent alloué discrétionnairement par Kinshasa. Le traitement des enseignants n’étant pas versé par le ministère de l’Enseignement, le gouverneur du Nord Kivu passe en septembre 2009 un arrêté inconstitutionnel imposant aux parents d’élèves le paiement des primes des professeurs des écoles. Alors que chacun des gouverneurs des onze provinces est désormais associé à la majorité parlementaire pro-Kabila, les dirigeants nationaux rechignent à leur transférer davantage de pouvoir et de moyens.

Durant les deux premières années de mandat du président Kabila, la préparation de la décentralisation coordonnée par le ministère de l’Intérieur de Denis Kalume progresse lentement. Elle débute en octobre 2007 par un forum national qui se conclut par des recommandations concrètes pour surpasser les difficultés de mise en œuvre identifiées depuis la période de transition. Entre juillet et octobre 2008, Kabila promulgue deux lois organiques et une loi ordinaire prévues par la constitution. Simultanément, le gouvernement signe un décret et un arrêté ministériel créant des organes de suivi de la décentralisation. Quatre lois organiques supplémentaires sont encore nécessaires pour clore le travail législatif lié à la décentralisation.

Depuis le changement de gouvernement opéré à l’automne 2008, ce processus est interrompu. Malgré la création d’un ministère entièrement dédié à la décentralisation et à l’aménagement du territoire, qui est confié à Mbusa Nyamwisi, le redécoupage en 26 provinces et leurs subdivisions territoriales n’est pas réalisé. Les lois budgétaires et fiscales votées chaque année par le Parlement ne sont pas conformes à l’article 175 de la constitution qui stipule que les provinces doivent bénéficier de 40 pour cent des recettes nationales collectées sur leurs territoires. Le cadre législatif créant une Caisse nationale de péréquation n’est pas finalisé. Les moyens de fonctionnement des institutions politiques provinciales sont donc toujours attribués forfaitairement par le gouvernement national. Depuis 2007, le Parlement vote des budgets annuels prévisionnels prévoyant des forfaits aux provinces proches de 28 pour cent des recettes courantes nationales. Chaque année, le gouvernement de Kinshasa en a réellement transféré moins de 10 pour cent. A mi-législature 2006-2011, le principe constitutionnel de répartition du pouvoir entre Kinshasa et les provinces n’est pas encore respecté.

Le président de la RDC envisage de changer les paramètres de la décentralisation telle qu’elle est prévue dans la constitution du 18 février 2006. Dans son discours annuel sur l’état de la nation prononcé le 7 décembre 2009, Kabila annonce que la décentralisation avec un format de 26 provinces fera l’objet d’une modification constitutionnelle. Il s’agit selon lui de tirer les conséquences de l’absence de viabilité des futures entités politiques. Leurs infrastructures humaines, administratives et matérielles restent indigentes. Renforcer significa tivement leurs dotations financières s’avère impossible dans le contexte d’un budget national 2010 limité à 6 milliards de dollars. Le déficit budgétaire national est devenu un enjeu crucial des négociations sur l’allége¬ment de la dette du Congo depuis la visite à Kinshasa en mai 2009 du directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn.

Le second motif soulevé par Kabila pour justifier une modification constitutionnelle est plus polémique. Il relève une contradiction entre la décentralisation prévue par la constitution et le besoin « de consolider au préalable l’autorité de l’Etat à peine rétablie, dans un environnement où les forces centrifuges n’ont pas nécessairement dit leur dernier mot ». L’exposé des motifs de la constitution rappelle précisément que la décentralisation contribue à consolider l’unité nationale mise à mal par les guerres successives.

Si le recours à un moratoire sur l’établissement de quinze provinces supplémentaires et une démarche progressive pour le transfert de compétences rassemblent désormais une majorité de vues, une altération des 54 prérogatives constitutionnelles des provinces au profit de Kinshasa revient à remettre en cause le compromis obtenu durant le processus de paix. Interrompre la mise en œuvre de la décentralisation est contraire à l’intérêt de la démocratie alors que les autorités politiques provinciales sont encore largement soumises au pouvoir central. Moins de deux ans avant les prochaines élections présidentielles de 2011, Kabila s’exprime davantage en défenseur du pouvoir central qu’en garant de la constitution.



3. Réforme du secteur de sécurité : la politique des petits pas

Les travaux préliminaires liés à la réforme du secteur de la sécurité associant des spécialistes internationaux et nationaux ont commencé durant la transition. Le Contrat de gouvernance de 2007 prévoit l’élaboration rapide de stratégies sectorielles de réforme, l’adoption des lois nécessaires, voire même l’application de mesures réformatrices telles que la réorganisation des départements administratifs et opérationnels de la Police nationale congolaise (PNC) ou la mise en place d’une chaîne de paiement pour les forces armées dès l’année 2007. Malgré cette préparation technique détaillée et en dépit du déploiement massif d’experts onusiens et européens à Kinshasa, la réforme a peu progressé.

Un premier plan directeur fixant l’objectif d’une armée de métier de 60 000 à 70 000 soldats est conçu en septembre 2007, mais ce n’est que le 26 janvier 2010 que le ministère de la Défense congolais présente officiellement le plan de réforme des FARDC aux partenaires internationaux. Pour fixer le cadre législatif des forces armées, le Conseil des ministres transmet au Parlement le 28 août 2009 trois avant-projets de loi nécessaires au lancement de la réforme. L’étude des projets de loi est initialement inscrite au programme de travail de la session ordinaire du Parlement du 15 septembre au 15 décembre. A la clôture d’une session extraordinaire convoquée du 15 janvier au 15 février 2010, les deux chambres ne les ont pas encore approuvées. En matière de police, le séminaire national sur la réforme organisé à Kinshasa en avril 2007 a mis deux ans pour porter ses fruits : la loi organique prévue par la constitution a été présentée au parlement en 2009 et un plan d’action de la réforme a été élaboré.

Dans le secteur judiciaire, un plan de réforme validé par le gouvernement et les bailleurs voit le jour en 2007 et les lois créant le Conseil supérieur de la magistrature et la Cour constitutionnelle sont adoptées en 2008. Cependant, la concrétisation des dispositions constitutionnelles qui réforment l’architecture judiciaire du pays et garantissent l’indépendance de la justice, a pris un retard considérable. Sur les trois juridictions supérieures prévues par la constitution – la Cour d’Etat, la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle – seule la dernière est en place théoriquement. Les lois organiques nécessaires à la réorganisation des juridictions militaires, à la création de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, ainsi que la loi d’application sur le statut de la Cour pénale internationale, les nouveaux codes pénitentiaire, pénal et de procédure pénale sont encore tous à l’état de projets.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de la magistrature a connu des débuts difficiles. Jusqu’à ce que la loi qui permette sa mise en place soit adoptée en 2008, le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la Justice se sont affrontés sur l’interprétation à donner des compétences qui sont attribuées au premier par la constitution. Ces frictions portaient sur la capacité d’influence de l’exécutif et sur le contrôle du budget du pouvoir judiciaire. Des dissensions préjudiciables à l’efficacité du Conseil sont ensuite apparues au sein de son secrétariat permanent. En définitive, depuis 2006, la réforme du secteur de sécurité n’est pas inerte mais elle avance à très petits pas au regard de l’expertise internationale mobilisée.

Cette lenteur s’explique par des divergences de priorités et de vues entre le gouvernement et les bailleurs. En 2007 et 2008, le lancement de la réforme des forces armées inscrite dans la constitution est régulièrement repoussé, la hiérarchie militaire étant occupée à exécuter des opérations à Kinshasa et au Nord Kivu. Malgré l’ob¬jectif officiel de réduire les effectifs militaires, des combattants de milices des provinces orientales ont été intégrés en désordre dans l’armée régulière. Loin d’engager une transformation profonde de l’armée congolaise, les autorités de Kinshasa ont, au contraire, privilégié l’acquisition d’équipements et la formation sommaire de bataillons affrontant des groupes rebelles. En outre, le ministère de la Défense et les bailleurs ne sont pas parvenus à un consensus sur la future armée congolaise.

Le 25 et 26 février 2008, le ministre de la Défense Chikez Diemu tente sans succès d’imposer son concept « d’armée de reconstruction » lors d’une rencontre internationale à Kinshasa. Le principe de soldats reconstruisant des infrastructures publiques ou participant aux travaux des champs suscite une grande méfiance parmi les acteurs étrangers qui désirent s’impliquer dans la formation des militaires congolais. Le plan que le ministère de la Défense présente officiellement aux partenaires internationaux le 26 janvier 2010 prévoit une restructuration des FARDC en trois phases étalées de 2009 à 2025. Son objectif est de maintenir à terme un effectif de 145 000 militaires. Le coût de la première phase de trois ans est chiffré à 3 750 milliards de dollars. L’irréalisme financier des projets de réforme conçus par les autorités congolaises se retrouve aussi dans le secteur policier : le plan d’action est évalué à 1 332 milliards de dollars.

La réforme du secteur de sécurité souffre d’un manque de coordination des acteurs internationaux. Pendant la transition, la Belgique, l’Afrique du Sud et l’Angola développent séparément des programmes de formation de quelques bataillons, et désormais les Etats-Unis et la Chine se sont ajoutés aux partenaires formateurs de l’époque de la transition. Les débats parmi les acteurs internationaux sur la coordination de la réforme du secteur de sécurité durent depuis 2006 sans avoir trouvé de réponse définitive.

L’absence de progrès en matière de réforme du secteur de sécurité a un coût à la fois politique, institutionnel et humain. Les FARDC ont révélé de très graves déficiences opérationnelles lors des nombreuses offensives ratées des trois dernières années, et chaque intervention des militaires congolais s’est accompagnée de violations des droits de l’homme et de violences sexuelles contre la population. A ce titre, malgré l’article 15 de la Constitution, il a fallu attendre 2009 pour qu’une stratégie nationale de lutte contre les violences liées au genre soit adoptée, largement sous la pression des organisations internationales. La faiblesse structurelle de la PNC signifie que les troubles importants à l’ordre public continuent d’être traités par l’armée. Le fait que les nouvelles institutions judiciaires demeurent incomplètes et que la traduction des normes constitutionnelles en droit pénal congolais reste très partielle entraîne aussi des conséquences politiques et humaines négatives. En l’absence d’une révision du code pénal, les tribunaux congolais continuent à appliquer la peine de mort alors que les articles 16 et 61 de la constitution affirment le droit à la vie.



D. TENTATION DE CHANGER LES REGLES DU JEU DEMOCRATIQUE



2. Danger sur les élections locales et nationales



Repoussées chaque année, les élections locales n’ont pas encore eu lieu. La communauté internationale s’est organisée très tôt pour les soutenir puisque, dès le mois de janvier 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies donne à la MONUC le mandat d’assister les autorités de la RDC. Un mécanisme de concertation entre partenaires internationaux et dirigeants congolais est mis en place. Les bailleurs de fonds proposent initialement de financer 131 millions des 163 millions de dollars nécessaires à la révision du fichier des électeurs utilisé en 2005 et 2006 et à la tenue du scrutin. Le gouvernement et le Parlement congolais doivent mobiliser les 32 millions de dollars restant et compléter le cadre légal nécessaire à la création d’une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (CENI) et à l’actualisation du découpage des circonscriptions électorales locales.

Le mandat de la Commission électorale indépendante (CEI) en charge des élections durant la transition est prolongé. Il lui est demandé d’établir un calendrier définitif des élections locales et générales et de réviser rapidement le registre des électeurs congolais qui servira pour les deux scrutins.

En 2007, le gouvernement du Premier ministre Gizenga informe la MONUC que les élections locales se tiendront au second semestre 2008. Malgré cette annonce, la date planifiée pour le scrutin ne va pas cesser de glisser dans le temps. En juillet 2008, la révision des fichiers électoraux par la CEI oblige à décaler les élections locales au mois de juin 2009. En mars 2009, l’enregistrement des nouveaux électeurs n’ayant toujours pas débuté, elles sont repoussées aux premiers mois de l’année 2010.

A l’été 2009, le gouvernement congolais prend une décision importante qui surprend ses partenaires internationaux. A l’issue de l’enregistrement des électeurs mené dans la ville de Kinshasa, il décide unilatéralement de modifier la méthode de révision des listes. Plutôt que de procéder à une simple mise à jour du fichier, il souhaite désormais que tous les Congolais de plus de dix-huit ans en 2011 s’inscrivent ou se réinscrivent. Les agents de la CEI expliquent à leurs interlocuteurs étrangers vouloir disposer d’un fichier incritiquable au jour des élections.

Le 25 novembre 2009, à l’occasion d’une réunion interinstitutionnelle dans la ville de Mbuji-Mayi, Kabila confirme ce choix maximaliste. Il précise que le revenu tiré de la vente de cartes d’identité nationale rendues obligatoires financera les surcoûts du nouveau processus d’enregistrement et que le Parlement envisagera rapidement l’opportunité de procéder à une modification de la loi électorale. Il demande aussi publiquement à la MONUC de débuter son retrait de RDC le 30 juin 2010, jour anniversaire des 50 ans d’indépendance du Congo, et annonce que le gouvernement prendra en charge l’organisation et les frais liés aux élections générales de 2011.

La direction de la CEI annonce en février 2010 que les opérations d’enregistrement reprendront à zéro à partir du mois de mai 2010, y compris dans la capitale. Au moment de cette annonce, la communauté internationale a pourtant déjà déboursé plus de 33 millions de dollars pour financer la préparation électorale. En mars 2010, c’est l’ensemble des actions attendues de la partie congolaise qui fait défaut. Le gouvernement n’a pas débloqué les sommes d’argent prévues en faveur de la CEI. La nouvelle loi électorale n’est toujours pas adoptée et le débat sur l’indépendance et la composition de la CENI se fait attendre au Parlement. La liste officielle des circonscriptions locales n’est finalisée que pour quatre des onze provinces du pays. La CEI n’a pas rendu public de calendrier définitif des élections ni proposé aux bailleurs un plan opérationnel budgétisé pour la révision du fichier électoral.

Dans une lettre datée du 13 novembre 2009, Ross Mountain, le chef adjoint de la MONUC, demande à l’abbé Apollinaire Malu Malu, le président de la CEI, « de sauver » le processus électoral en reprenant le travail sur l’approche d’enregistrement initialement agréée. En l’absence de compromis sur la méthode d’enregistrement, il estime improbable de parvenir à tenir les délais constitutionnels et lui rappelle l’importance des élections locales dans la perspective des élections générales de 2011. Les registres d’électeurs révisés pour le scrutin local vont servir aux élections générales. Alors que cinq années sépareront les derniers scrutins nationaux réussis des prochaines élections générales, les élections locales entretiennent les compétences des agents électoraux congolais jusqu’en 2011. En effet, des élections locales intermédiaires servent de test d’organisation pour les élections générales.

Les spécialistes électoraux des Nations unies jugent techniquement impossible d’organiser un scrutin combiné en regroupant les élections locales et générales au même moment en 2011. Ils évaluent entre six à douze mois la durée requise pour procéder à une révision raisonnable des listes électorales et à la tenue du scrutin local. Six à douze mois supplémentaires sont ensuite nécessaires pour préparer les élections générales. Le mandat du président Kabila prend fin le 5 décembre 2011 à minuit. Il est envisageable de respecter la constitution en tenant les élections locales en février 2011 et en votant le 5 septembre 2011 au plus tard pour le premier tour des présidentielles. Ce scénario ne prévoit aucune marge de sécurité pour respecter les délais fixés par la constitution. L’abbé Malu Malu, a pourtant confirmé à Crisis Group que ses équipes travaillent sur la base de ce calendrier officieux et de l’option maximaliste d’enregistrement.

Le risque apparait clairement d’être confronté à de nouveaux retards qui provoqueraient une situation inconsti tutionnelle fin 2011, au moment où la compétition électorale atteindra vraisemblablement ses jours les plus tendus. L’explosion du coût de l’enregistrement et la discrétion des négociations qui débutent entre la CEI et des fournisseurs d’équipements et de services nécessaires aux différents scrutins augmentent les risques de corruption.

Les décisions irréalistes prises par les autorités congolaises durant le second semestre 2009, les retards systématiques dans le travail parlementaire et dans le versement des ressources budgétaires ont rendu de nombreux observateurs sceptiques quant aux intentions réelles du régime. Le 5 octobre 2009, un ministre du gouvernement Muzito livrait déjà à Crisis Group sa conviction qu’il n’y aurait pas d’élections locales. La présidence n’aurait rien à gagner d’un scrutin risquant de modifier les équilibres politiques des provinces si peu de temps avant le rendez-vous présidentiel. En mars 2009, l’évaluation confidentielle par la CEI du coût combiné des élections locales et générales est de 760 millions de dollars. Sans un compromis sur des listes d’électeurs raisonnablement mises à jour et sans l’assistance financière des bailleurs étrangers, la continuité du processus électoral congolais est en jeu.

2. Vers une révision de la constitution

Dans son discours sur l’état de la nation de décembre 2009, le président Kabila évoque le besoin de modifier la Constitution du 18 février 2006 pour améliorer le fonctionnement des institutions. L’approbation des trois cinquièmes du Parlement que cela requiert est à la portée d’une alliance présidentielle contrôlant très largement les deux chambres. Une modification des éléments sanctuarisés par l’article 220 est en revanche impossible sans l’organisation d’un référendum national. La tenue d’un tel référendum reste conditionnée à la mise à disposition du registre des électeurs toujours en cours d’élaboration par la CEI.

En septembre 2009, le président du Sénat Léon Kengo wa Dondo a déjà indiqué qu’une commission d’évaluation de la constitution a été formée. En février 2010, Olivier Kamitatu, le ministre du plan, explique que la situation au Congo nécessite de passer d’un régime semi-présidentiel à un régime présidentiel fort pour donner davantage de pouvoir à un président dont la durée du mandat devrait être allongée.

Le 15 mars 2010, lors de l’ouverture de la session ordinaire du Sénat et de l’Assemblée nationale, le président de cette dernière affirme que la « revisitation de la constitution n’est plus un tabou ». Evariste Boshab indique que la session parlementaire de mars-avril 2010 a parmi ces objectifs de déterminer les moyens de modifier les dis¬positions constitutionnelles relatives à la décentralisation.

Le 27 mars à Kinshasa, lors d’une seconde réunion interinstitutionnelle réunissant Kabila avec des représentants du gouvernement, du Parlement et de la CEI, une liste beaucoup plus large de dispositions à réviser est discutée. La commission d’évaluation de la constitution communique les résultats de ses travaux et émet tacitement l’idée de passer outre l’article 220. Parmi ses recommandations les plus spectaculaires, elle suggère d’envisager un allongement du mandat présidentiel et la possibilité pour le chef de l’Etat de remplir plus de deux mandats successifs. Elle propose de retirer de la constitution la clef de répartition à 40 pour cent des recettes nationales perçues par les provinces et indique avoir « considéré aberrant l’extension du principe d’indépendance du pouvoir judiciaire aux parquets civils et militaires. … »

Les révisions constitutionnelles pour étendre les mandats des gouvernants ne sont pas exceptionnelles en Afrique. Kabila, qui conclut son premier mandat en 2011, garde de grandes chances d’être réélu sans un tel recours. Malgré l’érosion de sa base électorale dans l’Est du pays en raison des violences permanentes au Kivu et en Province Orientale, l’opposition ne semble plus capable de lui opposer un candidat puissant aux prochaines élections présidentielles. Cependant, l’incapacité actuelle du Parlement à voter rapidement les lois attendues et la tendance à la concentration du pouvoir observée en RDC depuis 2006 laissent présager qu’un prochain ajustement de la Constitution modifiera l’équilibre institutionnel. La tentation de certains conseillers de Kabila et de membres du gouvernement est de faire passer le pays d’un régime semi-présidentiel décentralisé à un modèle proche d’un régime présidentiel centralisé en ignorant le verrou de l’article 220.

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Message 9/4/2010, 9:37 pm  Admin

I. CONSOLIDER LE PROCESSUS DEMOCRATIQUE



De 2006 à 2010, les réformes démocratiques en RDC se sont enlisées. Contrairement au programme de travail du premier gouvernement Gizenga, le mandat entamé en 2006 n’a pas correspondu à une phase d’institutionnalisation de la démocratie. La mise en place des nouvelles institutions qui devait succéder aux scrutins de 2006 renvoie l’image d’un puzzle incomplet. Certaines de ces institutions existent et fonctionnent ; d’autres existent sans résultat ; et, enfin, une dernière catégorie d’institutions est restée à l’état de projet. La démocratie congolaise est inachevée et la volonté politique des dirigeants incertaine.

La consolidation de la démocratie a été reléguée au second plan face aux « urgences permanentes » que sont la stabilisation de l’Est, la reconstruction des infrastructures, les négociations avec les institutions financières internationales et les troubles localisés qui ne manquent pas de se produire dans un territoire de la taille de l’Europe occidentale. Cela constitue un premier paradoxe : le retard observé dans les réformes promises, telles que la décentralisation ou la réforme du secteur de la sécurité, fragilise davantage le régime. Ce retard a largement contribué à amplifier les crises sécuritaires qui se sont manifestées depuis 2006. Les affrontements au Bas-Congo, au Kivu et plus récemment en Equateur ont démontré que des institutions politiques provinciales faibles ne peuvent pas faire face à certains conflits locaux qui dégénèrent très rapidement.

Sans une décentralisation et une réforme du système de sécurité, le régime congolais n’a ni les outils politiques ni les outils sécuritaires pour réguler des contestations internes. L’intervention de la communauté internationale, particulièrement à travers l’utilisation des ressources de la MONUC, a été déterminante pour empêcher une perte de contrôle durable de régions éloignées de la capitale. Le 4 avril 2010, à l’aéroport de Mbandaka, la MONUC a enregistré sa plus lourde perte au combat en une journée depuis 2006. Sans la reprise de cet aéroport des mains des rebelles, la capacité des FARDC à déployer des renforts en Equateur aurait été largement entamée. Quelques jours avant cette attaque, une mission d’évaluation technique des Nations unies a pourtant recommandé de retirer les casques bleus de quatre provinces, dont l’Equateur, durant le premier semestre 2010.

Loin de s’incarner dans des institutions pérennes, l’appli¬cation des principes constitutionnels dépend de la bonne volonté des gouvernants. Donner un second souffle aux réformes démocratiques implique de dépasser l’apparence technique des difficultés rencontrées pour se concentrer sur leur dimension politique. La nature politique des solutions recherchées est au centre d’un second paradoxe : sous prétexte d’avoir contribué à doter Kabila d’une autorité souveraine par vertu d’une élection réussie, la communauté internationale s’empêche de critiquer ou de dénoncer les choix et pratiques anti-démocratiques du régime congolais.

Dans un contexte où le départ de la MONUC est discuté, où le mandat présidentiel doit être remis en jeu en 2011 et où une révision constitutionnelle est évoquée publiquement, la communauté internationale doit remettre l’agenda des réformes démocratiques et institutionnelles au centre de son action. Cela signifie mettre l’accent sur la construction d’institutions fonctionnelles, notamment au plan financier, telles que prévues dans la constitution. Elles contribueront à atténuer les tensions probables liées aux échéances électorales.

L’agenda de l’institutionnalisation de la démocratie s’articule autour de la mise en place de la CENI et le lancement sans délai de la préparation des prochaines échéances électorales, le respect rigoureux des libertés garanties par la constitution, l’institutionnalisation de la lutte contre la corruption, la poursuite du processus de décentralisation, et le recadrage de la réforme du secteur de sécurité. Cela implique aussi d’articuler plus étroitement aide au développement et gouvernance démocratique en associant les nouveaux partenaires asiatiques de la RDC.



1. La préparation des élections : reprendre le chemin constitutionnel



Le premier mandat présidentiel de Kabila sous la Troisième République prend fin en 2011. Pour les motifs évoqués précédemment, le calendrier électoral a d’ores et déjà pris un retard considérable et le récent refus des autorités congolaises de fournir un calendrier ne peut que susciter l’inquiétude. La première mesure à prendre pour le gouvernement consiste à créer, mettre en place et affecter un budget à la CENI, conformément à l’article 211 de la constitution. Le projet de loi examiné par le Parlement doit être priorisé lors de la session qui s’est ouverte le 15 mars 2010 et un budget de démarrage doit être voté en même temps. La CENI doit se mettre au travail sans délai afin 1) de structurer son administration et 2) d’élaborer le programme préparatoire des élections de 2011 et le présenter aux éventuels bailleurs.

Compte tenu des difficultés budgétaires actuelles du gouvernement, les méthodes électorales employées doivent capitaliser les acquis des scrutins de 2006 et reposer sur une évaluation réaliste des coûts. La répétition de « l’élec¬tion la plus chère du monde » n’est pas une option en 2011. De ce fait, l’engagement de la communauté des bailleurs doit s’effectuer sur la base d’un plan de travail électoral clair et concret à la fois en termes de calendrier et de coût.



2. L’institutionnalisation de la lutte contre la corruption



La lutte contre la corruption est instrumentalisée à des fins politiques. En lieu et place de séries de révocations aux motivations opaques et de déclarations d’intentions, le gouvernement devrait se doter des outils institutionnels nécessaires pour sanctionner mais aussi prévenir la corruption.

Dans la foulée du forum national qui s’est tenu en décembre 2009, une stratégie de lutte contre la corruption devrait être élaborée en collaboration étroite avec les ONG déjà impliquées dans le forum et la convention des Nations unies contre la corruption devrait être ratifiée et mise en œuvre par la RDC. Afin d’être appliquée rapidement et au regard des expériences internationales, cette stratégie devrait pouvoir compter sur une coalition de la société civile (ONG, églises, etc.) contre la corruption et sur des organismes congolais disposant de l’indépendance des moyens, des pouvoirs de sanction et des compétences appropriées, comme réclamés dans les conclusions du forum national.

Certains instruments existent mais n’ont qu’une très faible performance. L’Observatoire congolais d’éthique et profession, chargé de la lutte contre la corruption au sein de l’administration, et la toute nouvelle cellule nationale des renseignements financiers pour la lutte contre le blanchiment d’argent installée à la Banque centrale devraient voir leur statut modifié pour devenir des organismes indépendants tout en étant dotés d’un budget sécurisé. Par ailleurs, afin de dépolitiser la lutte contre la corruption, les structures en charge de cette tâche à la primature et à la présidence devraient être supprimées. Une capacité institutionnelle de lutte contre la corruption est un aspect important des réformes de gouvernance qui n’a, jusqu’à présent, pas bénéficié de beaucoup d’attention de la part de la communauté internationale. Un soutien international serait bienvenu à condition de dépolitiser cette tâche et de tirer profit des meilleures pratiques menées dans d’autres pays en situation post-conflit.



3. Le respect des libertés constitutionnelles



Le 7 décembre 2009, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies adopte un rapport proposant 163 recommandations au gouvernement de la RDC pour améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays. La délégation congolaise présente à New York en accepte immédiatement 124, ne se prononce pas sur 28 et en rejette onze, incluant celles liées à la remise de Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale.

Le 28 janvier 2010, le Haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme remet un rapport à l’Assemblée générale de l’ONU dressant le bilan des mesures prises par le gouvernement congolais de mars à novembre 2009 pour donner suite à ses propres recommandations. Le constat est sévère. « Leur mise en œuvre reste balbutiante » et « le peuple congolais ne jouit toujours d’aucune sécurité pour exercer ses droits de l’homme, ne serait-ce que les plus élémentaires ».



Notant que les auteurs de recommandations « commencent à ressentir une certaine lassitude », le Haut commissariat s’abstient de faire de nouvelles propositions dans son rapport de janvier 2010. Devant le nombre de recommandations non appliquées, il est en effet inutile d’en produire davantage. Il appartient désormais au pouvoir congolais de démontrer sa bonne foi en commençant par promulguer les lois qui institueront la défense des libertés fondamentales au Congo. Quatre mesures législatives doivent être prises rapidement avant le début de la campagne électorale.

Une proposition de loi organique nécessaire à la création de la Commission nationale des droits de l’homme a été votée au Sénat durant la session ordinaire de mars 2008. Elle est depuis deux ans bloquée à l’Assemblé nationale. En juin 2009, le Premier ministre et les présidents des deux chambres ont confirmé à la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme leur volonté de faire passer une loi sur la protection des défenseurs des droits de l’homme, des journalistes, des témoins et des victimes. Aucune proposition de loi dans ce sens n’a encore été inscrite à l’ordre du jour du Parlement. La nécessité de donner un cadre légal aux activités et prérogatives de l’ANR n’a également pas fait l’objet d’un suivi parlementaire. Des mesures législatives doivent également être adoptées pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants que la RDC a ratifiée le 18 mars 1996.

L’actuel arriéré législatif au Parlement n’explique pas l’échec à faire passer ces lois rapidement. Il convient de se souvenir que la loi d’amnistie couvrant les faits de guerre et d’insurrection promise par le gouvernement au CNDP le 23 mars 2009 a été votée le 6 mai 2009 par les deux chambres et promulguée un jour plus tard par le chef de l’Etat. Cette efficacité doit être retrouvée pour garantir la liberté fondamentale de la population congolaise.



1. La poursuite de la décentralisation



Politiquement, la décentralisation peut être la boîte de Pandore de toutes les tensions centrifuges qui travaillent la RDC ; financièrement, la formule constitutionnelle 40/60 ne permettra pas à certaines provinces d’atteindre le seuil de viabilité financière ; techniquement, les provinces ne sont pas encore prêtes à assumer l’entièreté des compétences qui leur sont dévolues par la constitution.

Alors que la constitution confère un rôle clé aux provinces, celles-ci ont démontré au cours des cinq années écoulées qu’elles avaient de sérieux déficits de capacité et de fonctionnement. De ce fait, les actions législatives engagées par le gouvernement doivent continuer et être soutenues en veillant au renforcement des capacités provinciale et locale, notamment en matière de gestion financière. Le rythme des modifications législatives doit être harmonisé au rythme du développement des capacités administratives et financières des provinces et des entités décentralisées.

Concernant les élections locales qui devaient clôturer le cycle électoral ouvert en 2006, en raison du retard pris dans le processus électoral et des difficultés logistiques de leur organisation dans un pays aussi vaste, le gouvernement devrait former une commission d’experts nationaux et internationaux. Cette commission devrait être chargée d’évaluer la faisabilité des élections locales dans les délais constitutionnels et, dans la négative, reformuler un nouveau calendrier pour les élections locales en cohérence avec le scrutin national de 2011.



2. L’indispensable recadrage de la réforme du secteur de sécurité



Objet d’une grande attention de la part de la communauté internationale et notamment du Groupe de contact mais aussi d’initiatives désordonnées et parfois concurrentielles, la réforme du secteur de sécurité doit donner lieu rapidement à un partenariat clarifié entre le gouvernement et les bailleurs intéressés. Pour élaborer une réforme d’ensemble cohérente et élever cette question à un haut niveau politique, il importe de sortir de l’approche projets sectoriels qui domine actuellement la réforme de la sécurité en RDC et ressemble à la coopération militaire traditionnelle « former, équiper ».

L’absence de partenariat véritable avec le gouvernement congolais et au sein de la communauté internationale explique la politique des petits pas qui dure depuis 2006. Ce partenariat clarifié préciserait les priorités et comporterait les mécanismes de coordination, des benchmarks et des clauses suspensives – la collaboration avec les forces de sécurité congolaises étant un exercice risqué. Afin de ne pas être une nouvelle déclaration d’intentions, le texte de ce partenariat serait publicisé, signé au plus haut niveau politique (présidence congolaise, ministres des pays impliqués et responsables des organisations multilatérales) et ferait l’objet d’une évaluation de mise en œuvre tous les six mois.

Les axes prioritaires de la réforme du secteur de sécurité devraient être la supervision civile, la lutte contre la corruption et le respect du droit. Les benchmarks devraient comporter à la fois des mesures législatives (l’adoption rapide des législations en cours) et des mesures concrètes (la démilitarisation des zones minières, la contribution financière, la libération de tous les enfants soldats utilisés par les FARDC, etc.). La non-réalisation de ces benchmarks devrait aboutir à la suspension de l’aide destinée au secteur de sécurité.

La coordination doit se fonder sur les structures déjà en place. Le forum des ambassadeurs sur la réforme du secteur de la sécurité à Kinshasa peut constituer la structure de coordination propre à la communauté internationale tandis que les structures sectorielles de coordination dans les domaines de la police et de la justice continueraient d’assurer une coordination entre les internationaux et les organismes congolais. Le secteur de la défense devrait se doter d’une structure de coordination sectorielle à l’instar de la justice et de la police. Un groupe de coordination essentiellement politique devrait être créé à Kinshasa en regroupant les ambassadeurs et les ministres concernés sous l’autorité du vice-premier ministre chargé de la sécurité.



3. Accroitre le lien entre aide au développement et gouvernance démocratique



L’influence politique dont disposait le CIAT sur les autorités congolaises dans le contexte de la transition entre 2003 et 2006 n’existe plus. Cependant, l’urgence pour Joseph Kabila est d’obtenir avant le 30 juin 2010, date du 50ème anniversaire de l’indépendance du pays, l’annonce que la RDC a enfin atteint le point d’achèvement de l’initiative sur les pays pauvres très endettés (PPTE). Si le FMI et la Banque mondiale décident de faire cette annonce, Kinshasa peut espérer l’allégement de 90 pour cent de sa dette et la possibilité de lever de nouveaux fonds internationaux à un an des élections générales de 2011.

Dans la mesure où les bailleurs fournissent chaque année près de la moitié des moyens financiers de l’Etat congolais et où le gouvernement congolais fait du point d’achèvement un enjeu symbolique, les bailleurs disposent d’une capacité d’influence et sont, du reste, obligés d’évaluer l’efficience de leur soutien au regard des objectifs fixés.

Au moment où les Nations unies déterminent la meilleure manière de donner satisfaction à la demande de Kabila de débuter rapidement le retrait de la MONUC, il convient d’établir un lien plus étroit entre aide au développement et soutien à la gouvernance démocratique en RDC. La communauté internationale, et plus particulièrement les grands donateurs, doivent indiquer clairement que l’aide ne saurait être fournie sans progrès de l’agenda démocratique, des réformes institutionnelles et sans amélioration de la situation des droits de l’homme. Cette aide, tout comme les allègements de dette intervenant peu avant les échéances électorales, a une dimension politique qui doit être prise en compte par la communauté internationale dans son dialogue avec le gouvernement congolais.

Les différents cadres internationaux d’appui à la reconstruction du Congo prévoient souvent déjà ce dialogue (accords de Cotonou de l’Union européenne par exemple), les bailleurs doivent désormais démontrer leur volonté politique de s’y tenir et doivent associer à cette approche les nouveaux donateurs asiatiques de la RDC qui sont désormais des acteurs de poids dans la reconstruction de ce pays. Compte tenu des risques d’instabilité qui affectent la RDC et de l’importance de leurs investissements à long terme, les partenaires asiatiques, au premier rang desquels figure la Chine, ne peuvent qu’être intéressés par un dialogue sur la réduction de la fragilité politique de la RDC.

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Message 9/4/2010, 9:38 pm  Admin

I. CONCLUSION





Quatre ans après l’élection de 2006, les promesses de réformer la gouvernance, de consolider la démocratie et de mettre en œuvre la constitution ne sont majoritairement pas tenues. Les espoirs mis par la population dans les élections réussies de 2006 ont été déçus, les problèmes sécuritaires demeurent, et les partenaires étrangers s’essoufflent à soutenir des programmes de réforme coûteux sans progrès significatifs.

La présidence congolaise concentre davantage de pouvoir sans disposer de la structure institutionnelle équilibrée sur laquelle se sont accordée les acteurs de la transition. La menace du retour de l’autoritarisme en RDC est réelle et proportionnelle à la fragilité du régime qui actuellement risque moins d’être menacé de l’extérieur que de l’intérieur, du fait de révoltes localisées à connotations ethno-régionales sur le modèle de celles qui ont éclaté au Bas-Congo et en Equateur. Par ailleurs, les similitudes avec la gouvernance mobutiste commencent à se faire jour.



Il est néanmoins encore possible pour les responsables congolais et leurs partenaires internationaux de sauver le projet démocratique de la RDC. Sur la base d’un nouveau partenariat pragmatique et clarifié, ils doivent redonner de l’élan à la réforme institutionnelle pour replacer la trajectoire politique du pays sur la voie démocratique. La réussite du mandat des élus congolais sera démontrée par le passage rapide des lois et la création des institutions prévue dans la constitution du 18 février 2006. La démocratie nationale, provinciale et locale reste essentielle au rétablissement de la paix et de la stabilité au Congo.



Nairobi/Bruxelles, 8 avril 2010

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