Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
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Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
"Pourquoi accuser le seul M23 ?"
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/01/15/kivu-rdc-pourquoi-accuser-le-seul-m23.html
Des écrivains, artistes, chercheurs et professeurs des universités interpellent le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon sur la situation dans l'Est du Congo. Dans une lettre ouverte que nous publions, ces intellectuels dénoncent une "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit dans les Kivus. S'ils reconnaissent "la nécessité d'une attitude ferme vis à vis du M23" et du Rwanda, accusé de soutenir les rebelles, ils considèrent que "s'acharner contre une seule rébellion" ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous, écrivains, artistes, chercheurs et professeurs des universités, qui suivons de près la situation dans l’Est du Congo, avons décidé, par la présente, de nous adresser directement à vous sur une question dont dépendent la sécurité et le mieux-être de millions d’hommes et de femmes mais aussi la stabilité de toute la région des Grands Lacs et, plus largement, du continent africain.
Nous souhaitons avant tout, par notre geste, attirer votre attention sur une lecture que nous jugeons partiale et réductrice de la situation actuelle dans cette partie de l'Afrique. Une telle lecture est aujourd’hui imposée par les rapports de certains experts internationaux adeptes du « single-issue », consistant à faire fi de la complexité d’un phénomène pour en donner une explication unique et forcément simpliste. L’enquêteur principal Steve Hege et son équipe, que vous avez nommés, ont ainsi choisi d’accabler dans leurs conclusions le seul M23, pendant que d’autres mouvements rebelles opérationnels depuis 1994 et extrêmement nuisibles sont soit oubliés, soit passés sous silence pour des raisons qui nous inquiètent et nous interpellent. Cette interprétation orientée, porteuse de tous les dangers, est condamnée à être contre-productive en l’absence d’une vision globale du problème congolais, prenant en compte toutes ses ramifications politiques, économiques et socioculturelles. Nous ne comprenons pas que ces enquêteurs aient choisi d’ignorer l’existence des groupes armés- en particulier, et de manière très significative, des FDLR - responsables d’un chaos sanglant à l’Est du Congo. Nous vous invitons aussi à prendre au sérieux, à la différence de vos prédécesseurs jusqu’en 1994,les signes avant-coureurs d’un embrasement général de la région et, chose tout aussi troublante, les incitations publiques à la haine et au massacre des populations congolaises d’expression kinyarwanda.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous apprécions à sa juste valeur le choix de l’ONU de s’investir dans la stabilité du Congo à travers plusieurs missions. Il ne fait aucun doute que ses différentes opérations ont été d’une grande aide pour les populations congolaises sans défense. Nous n’en pensons pas moins qu’il ne sert à rien de traiter les effets d’une politique au lieu de s’attaquer aux causes réelles du mal. Il est temps que ce peuple, victime hier d’une exploitation coloniale féroce et, depuis l’indépendance, de la voracité des compagnies occidentales, chinoises et sud-africaines et de régimes tyranniques et prédateurs, puisse jouir des droits que seul peut lui garantir un Etat digne de ce nom. En effet si le Congo, ce pays aussi étendu que toute l’Europe occidentale et aux ressources naturelles quasi inépuisables, est aujourd’hui sans armée ni Etat, ce n’est pas la faute du Rwanda encore profondément traumatisé par un des pires génocides du vingtième siècle et faisant toujours face à la menace que font peser sur sa sécurité des génocidaires bien décidés à « finir le travail » entamé en avril 1994. Notre conviction est que si le Congo, qui aurait dû être le géant de l’Afrique en est le ventre mou, c’est aussi parce qu’il ne s’est jamais résolu à faire l’inventaire d’expériences coloniale et néocoloniale particulièrement dévastatrices. Il est impérieux pour ce grand peuple de méditer un moment-clé de son histoire, le meurtre de Patrice Lumumba qu’il n’en finit pas d’expier puisqu’il a balisé le chemin du pouvoir à Mobutu Sese Seko. Et chacun sait avec quelle rapacité ce dernier a mis son pays à genoux pendant trente-deux longues années, en complicité avec des puissances étrangères, avant de le laisser complètement exsangue à sa chute.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous reconnaissons la nécessité d’une attitude ferme vis-à-vis du M23, et d’une mise en garde responsable de tous les pays frontaliers du Congo, dont le Rwanda, pour qu’ils s’abstiennent de tout appui à cette nouvelle rébellion qui risque d’embraser, une fois de plus, la région et de plonger ses habitants dans d’effroyables souffrances. Nous avons toutefois du mal à accepter la logique sélective de ceux qui s’acharnent contre une rébellion récente pour mieux occulter le rôle dans le conflit de plusieurs groupes criminels, bien plus anciens et actifs, qui ont recours à une violence ouverte et massive. Ce silence témoigne à notre avis d’un choix délibéré d’induire l’opinion internationale en erreur. Voilà pourquoi nous tenons à rappeler que plusieurs rébellions opèrent dans le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Maniema. Oxfam et 41 ONG congolaises en ont dressé la liste dans un récent rapport. Il s’agit de :
ADF : Alliance des Forces Démocratiques;
APCLS : Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain;
FRPI : Force des Résistances Patriotiques en Ituri;
FDLR : Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda;
LRA : Armée de résistance du Seigneur;
M23 : Mouvement du 23 mars;
Nyatura, rébellion Hutu ;
Sheka, rébellion Nyange ;
Mayi-Mayi Yakutumba, rébellion Bembe contre la communauté Banyamulenge;
Raïa Mutomboki, rébellion Rega et Tembo
UPCP : Union des Patriotes Congolais pour la Paix;
(Source: « 164 OXFAM briefing paper, November 2012. Commodities of war.
Communities speak out on the true cost of conflict in Eastern DRC, p.22»)
En plus des violences commises par les soldats gouvernementaux et les groupes armés cités plus haut contre les populations congolaises, « les preuves récemment recueillies par Oxfam, dans le cadre d’une enquête impliquant plus de 1300 personnes, dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, et dans la province orientale, montrent que les soldats de l’armée nationale et les autorités civiles y compris la police, ainsi que les groupes rebelles, se battent pour le monopole de l’extorsion des biens et de l’argent des communautés locales». Il est fondamental de souligner qu’à l’exception probable du M23, tous les groupes armés opérant dans les trois régions du Kivu sont hostiles au Rwanda et aux Congolais rwandophones. Ils constituent aussi un danger certain pour la stabilité du Congo. En outre, certaines de ces rebellions menacent d’autres pays de la région. C'est le cas notamment du FNL (Front national de Libération), rébellion burundaise active dans la plaine de la Ruzizi et de deux groupes ougandais, la LRA et l’ADF, ciblant particulièrement le régime de Kampala. Aucun de ces faits pourtant lourds de sens n’est mentionné dans ces rapports très contestés et qui ont surtout contribué à jeter de l’huile sur le feu. Ce faisant, ils se sont étrangement éloignés de toute possibilité de solution concertée. Bref, ils ont découragé le dialogue initié par des pays africains de la région des Grands Lacs et alimenté la méfiance entre communautés congolaises de l’Est et entre le Congo et le Rwanda. Cette lecture tronquée, relayée par la presse internationale et locale congolaise ainsi
que par les organisations des droits de l’homme, pourrait elle-même très vite générer de nouvelles violences.
Il est difficile pour un esprit rationnel de se faire à l’idée que le destin de millions d’humains puisse à ce point être tributaire des états d’âme d’un expert qui, aussi talentueux soit-il, n’est pas à l’abri de ses propres passions, voire de ses a priori idéologiques. Il apparaît très clairement que dans ce cas précis on a instrumentalisé l’appareil des Nations-Unies pour régler des comptes avec le gouvernement rwandais. Il est surprenant et inacceptable que l’ONU ait placé à la tête d’un groupe d’enquêteurs un homme qui s’est toujours montré en fin de compte si « compréhensif » à l’égard des Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) Ce mouvement rebelle, constitué des vestiges de l'armée et des milices Interahamwe qui ont commis le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994, s’est enrichi de nouvelles recrues dans les régions congolaises qu’il occupe depuis plusieurs années. Il continue à y commettre impunément des atrocités inouïes et, pour financer ses opérations militaires, en exploite les minerais en toute illégalité. Il les revend sur le marché international et il serait intéressant de savoir qui sont ses clients.
Monsieur le Secrétaire général,
L’ONU savait-elle au moment de la nomination de Steve Hege qu’il est l’auteur de
« Understanding the FDLR in DR Congo », texte dans lequel il s’employait déjà à réhabiliter cette organisation génocidaire, présentée comme l’émanation d’un groupe de réfugiés aux revendications légitimes ? Agacé et attristé par plusieurs tentatives de rapprochement entre les gouvernements du Congo et du Rwanda, il avouait craindre que ce processus ne marginalise le FDLR qui, écrivait-il, « se sent profondément trahi par les Congolais ».
Il s’exprimait ainsi au moment même où le président Barack Obama, alors sénateur, adressait une lettre de protestation à Condoleezza Rice, la Secrétaire d’Etat de l’époque à propos des violences sexuelles contre les femmes congolaises. Permettez-nous d’en reprendre à votre intention le passage que voici : “ Les criminels – constitués de militaires congolais sans foi ni loi, de milices locales et d’anciens miliciens Hutu ayant trouvé refuge dans les forêts du Congo après avoir participé au génocide rwandais de 1994 – ont réussi à financer et entretenir des conflits armés en exploitant les ressources naturelles du pays et en s’attaquant aux villages où ils commettent d’inqualifiables atrocités.”
Voilà en quels termes le président Obama exprimait son indignation contre les génocidaires repliés au Congo.
Mais ce n’est pas tout.
En 2010, dans un document intitulé « Independent Oversight for Mining In The Eastern Congo : A proposal for a third party Monitoring and Enforcement Mechanism», Steve Hege et son associé Jason Stearns, lui-même curieusement ancien investigateur des Nations-Unies sur la violence au Congo, réclamaient le droit exclusif de s’occuper de la vente des minerais de l’Est du Congo pour le compte de leur organisation non gouvernementale dénommée CIC (« Center on
International Cooperation »), d’un budget annuel évalué entre 3 et 5 millions de dollars.
Ces deux hommes, à travers le projet évoqué ci-dessus ont fait état, publiquement et par écrit, de leur souhait de commercialiser les minerais de l’Est du Congo. Il est dès lors étonnant que l’ONU ait mis l’un d’eux en position d’arbitre sur une crise aux forts relents miniers dans la même région. Le pire c’est que nous ne savons même plus s’il faut s’étonner de conflits d’intérêt aussi manifestes que scandaleux ou au contraire les juger en parfaite cohérence avec une politique de spoliation du Congo qui ne date hélas pas d’aujourd’hui. Pour s’approprier le marché, Hege et Stearns affirment, avec condescendance, que « (les institutions locales congolaises) sont essentiellement faibles et facilement exposées à la manipulation politique, au conflit des intérêts, à la corruption et, plus important, à l’intimidation de la part des gouvernants et des militaires eux mêmes.» Le mépris à l’égard du peuple congolais, que ces deux personnes prétendent pourtant défendre, est aussi patent que leur désir de se substituer aux autorités de ce pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les conditions n’étaient pas réunies pour l’élaboration d’un rapport objectif. Il nous est dès lors absolument impossible de comprendre le choix fait par le Conseil de Sécurité de reprendre à son compte les conclusions du Groupe d’Experts sans débat ni mise à l’épreuve préalable.
En tant que chercheurs, nous nous interrogeons sur l’impartialité et la rigueur d’une approche qui s’appuie largement et dans les termes les plus vagues sur une des parties, à savoir les officiels congolais et des opposants au régime de Kigali.
Nous notons au demeurant sans surprise que ce rapport-ci, comme les précédents, a fait l’objet d’une « fuite » bien opportune, destinée à distiller dans les medias et dans l’opinion internationale le message suivant : le monstrueux M23 est une création du Rwanda. Sauf votre respect, nous ne voyons pas ce que l’appui, fantasmé ou réel, du Rwanda à un tel mouvement, peut bien changer au fond de l’affaire. L’irruption du M23 sur la scène du drame congolais est postérieure à la présence de la Monusco et des groupes armés au Congo. Cela veut dire que le M23 est moins la cause qu’une simple conséquence d’une crise régionale aux multiples facettes. Certains choisissent d’ignorer cette évidence car il est plus commode pour eux d’instruire le procès de ces mutins que de parler des maux, connus de tous, qui gangrènent la société congolaise et dont le moindre n’est pas une corruption généralisée. Les rapports du Groupe d’experts de l’ONU ainsi que la couverture médiatique dont ils ont bénéficié aident à faire oublier les sociétés minières étrangères qui ont littéralement fait main basse sur le Congo. Oserons-nous vous suggérer de diligenter une enquête sur ce pillage ? C’est ce que le monde, l’Afrique, et en particulier le peuple congolais, attendent du Conseil de sécurité.
Monsieur le Secrétaire général,
Les Nations-Unies ont tort, à notre avis, de penser que la mise hors jeu du M23 et la suspension paradoxale de l’aide au développement du Rwanda - un pays salué pour la gestion rigoureuse, saine et transparente de son budget national - vont suffire pour ramener la paix à l’Est du Congo. L’expérience a également montré les limites de la solution militaire consistant à faire appuyer les forces gouvernementales congolaises par la Monusco. Sur le terrain, une telle option a pour principal résultat d’entretenir la guerre à laquelle on prétend par ailleurs mettre fin. C’est ainsi qu’au cours de la prise de Goma, le M23 a récupéré plus de 4 tonnes d’armes que l’on pourrait retrouver à un moment ou à un autre entre les mains de différents groupes rebelles.
Selon nous, la meilleure façon de contribuer à la paix et à la sécurité dans la région des Grands Lacs consisterait, entre autres,
- à décourager tout appui du Rwanda au M23 afin de permettre aux communautés
congolaises d’initier des discussions de fond sur leurs problèmes nationaux ;
- à décourager toute association du Congo avec le FDLR et tout soutien du
gouvernement congolais aux groupes armés qui sévissent actuellement sur son
territoire ;
- à s’attaquer à tous ces groupes armés et aux logiques qui en alimentent l’esprit
destructeur ;
- à prendre au sérieux les légitimes revendications sécuritaires du Rwanda.
- à oeuvrer sans relâche pour un rapprochement entre les gouvernements du Congo et du Rwanda ;
- à favoriser un échange franc et respectueux entre les forces intellectuelles, éthiques et spirituelles rwandaises et congolaises pour qu’elles initient et promeuvent un « vivre ensemble » fertile entre les communautés ;
- à initier des solutions qui intègrent les différents paramètres de la crise à l’Est du
Congo
- à réexaminer les accords occultes entre le gouvernement congolais et les
compagnies minières opérant sur son sol,
- à exiger une gestion saine des ressources du Congo par l’Etat congolais,
- à diligenter une enquête sur le clientélisme et l’enrichissement illicite de la classe
dirigeante congolaise actuelle, afin d’impulser une dynamique de gouvernance saine en RDC ;
- à privilégier la voie du dialogue initiée par la conférence des Grands Lacs et non
les menées bellicistes qui risquent de provoquer une grande guerre africaine aux
conséquences incalculables ;
- à protéger des communautés marginalisées prêtes à s’enrôler par désespoir dans des rébellions sans lendemain ;
- à défendre l’intangibilité des frontières congolaises, conformément aux voeux du
peuple congolais convaincu de la communauté de destin de toutes ses composantes ethniques ;
- à lier la notion d’intangibilité des frontières aux droits des communautés
propriétaires de leurs terres à vivre tranquillement et en toute sécurité dans leur pays en tant que citoyens congolais de plein droit ;
- à améliorer les méthodes de recrutement des enquêteurs de l’ONU dont les rapports ont une si grande influence sur le cours des évènements. Il est hautement souhaitable de veiller à ce qu’ils ne soient engagés qu’à l’issue de procédures transparentes et contradictoires, de nature à écarter tout risque ou soupçon de partialité de leur part.
Monsieur le Secrétaire général,
L’impératif de l’heure est la défense résolue par les Nations-Unies du principe de l’intangibilité des frontières congolaises. Elle est toutefois vouée à un échec certain si elle fait l’impasse sur les discriminations envers les citoyens congolais d’expression kinyarwanda, propriétaires de plein droit des terres congolaises où ils vivent de génération en génération depuis des siècles.
Pour bien comprendre la vulnérabilité d’une communauté marginalisée et indexée dans l’imaginaire congolais actuel comme la source de tous les maux du pays, il faut remonter aux origines du problème, à l’époque où, dans la dynamique de la Conférence de Berlin, des territoires rwandais sont devenus congolais ou encore lorsque, dans les années 30, des populations rwandophones ont été transplantées au Congo. Il n’y a pas longtemps, plus précisément dans les années 80, ces citoyens de seconde zone, privés de leurs doits civiques, étaient électeurs, mais pas éligibles. Au cours de la même période, durant « l’Opération Herbe », des étudiants Tutsi ont été battus et renvoyés des universités zaïroises. Du reste, afin que les objectifs visés par ces campagnes meurtrières soient bien clairs pour tous, un document a circulé en ce temps-là sous le titre révélateur : « Vive la nation zaïroise et à mort les usurpateurs de notre nationalité ». Ce texte appelait à « frapper ensemble et partout ces serpents (les étudiants Tutsi) qui veulent nous mordre ». Une décennie plus tard, au début des années 90, les Congolais Tutsi étaient tous interdits de participation à la « Conférence nationale souveraine », toujours sous prétexte qu’ils n’étaient pas « Zaïrois ». La chute de Mobutu, qui avait pourtant fait naître l’espoir de lendemains meilleurs grâce aux liens forgés dans la lutte contre la dictature, n’a fait qu’accentuer l’hostilité envers les Congolais rwandophones. De dérive en dérive, on en est arrivé aujourd’hui à ce qu’il faut bien appeler un désir ardent, quoique diffus, d’en finir une fois pour toutes avec ce que d’aucuns se permettent d’appeler « la question tutsi. » Certains milieux, ignorant les leçons de l’histoire, s’imaginent qu’il suffirait de se débarrasser de la communauté d’expression kinyarwanda du Congo pour améliorer les conditions d’existence du reste de la population.
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous pensons qu’il est urgent de procéder à une analyse moins tendancieuse et étriquée de la situation du Kivu, préalable nécessaire à toute solution durable. Nous ne saurions trop insister sur le fait que la focalisation exclusive sur le M23 et le Rwanda est suspecte et encourage les discours venimeux chez les extrémistes de plus en plus hardis qui n’hésitent plus à appeler dans les media sociaux à l’extermination des Tutsi. Le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, des membres du gouvernement congolais, une certaine presse locale congolaise, des hommes d’Eglise comme Bishop Élisée, un musicien comme Boketsu 1er incitent, ouvertement ou insidieusement, à la haine contre les populations Tutsi du Congo. Il est temps que vous-même preniez, à l’inverse de celui qui occupait vos fonctions en 1994, la mesure des périls qui menacent des populations civiles sans défense et dont le seul tort est d’être ce qu’elles sont. Une grande partie de la population congolaise, chauffée à blanc par son gouvernement et par les accusations de Hege et d’une certaine presse, est aujourd’hui prête pour un meurtrier passage à l’acte. Les alliances entre les militaires de l’armée congolaise et les milices génocidaires sont un autre signe qui ne devrait tromper personne, et surtout pas vous qui avez une responsabilité particulière dans la préservation de la paix mondiale.
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous demandons aux Nations-Unies de tout mettre en oeuvre pour qu’à l’absurde guerre de l’Est de la RDC se substitue enfin une paix durable. Cette paix est un rêve et nous avons voulu vous dire, à travers cette lettre, à quelles conditions il peut, selon nous, devenir une réalité. Pour préserver les chances de cette paix à venir, nous, écrivains, professeurs des Universités, chercheurs et artistes d’horizon divers, dénonçons la mutinerie du M23. Nous nous élevons également contre tout appui, d’où qu’il vienne, à ce mouvement armé. Mais nous estimons aussi qu’il est de notre devoir d’appeler la communauté internationale à traiter avec plus de sérieux et de rigueur la question de la présence de génocidaires lourdement armés sur le sol congolais, grave source d’inquiétude pour le Rwanda. Nous condamnons également avec fermeté la tentative de militarisation à outrance du Kivu par le gouvernement congolais.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous vous invitons à prendre vos responsabilités face aux menaces sur lesquelles nous avons voulu attirer votre attention. Il n’en va pas seulement du destin des populations et de leur besoin de sécurité dans les pays des Grands Lacs ; il en va aussi de la crédibilité des Nations-Unies et de l’honneur de l’humanité. En souhaitant que 2013 soit l’année du dialogue et de la paix pour tous les peuples de la terre, nous vous prions d’accepter Monsieur le Secrétaire général, les assurances de nos meilleurs sentiments.
Signataires :
Boubacar Boris Diop, Sénégal, romancier, essayiste et enseignant, Université Gaston Berger, Saint-Louis- Senegal.
Godefroid Kä Mana, RDCongo, philosophe, analyste politique et théologien, Professeur, Université évangélique du Cameroun, Institut catholique de Goma-RDCongo.
Jean-Pierre Karegeye, Rwanda, Directeur du Centre d'études pluridisciplinaires sur le génocide, Professeur assistant, Macalester College, Minnesota-USA.
Margee Ensign, USA, Présidente de l’Universite américaine du Nigeria.
Koulsy Lamko, Tchad, Romancier, dramaturge, directeur de la Casa Hankili Africa, Centro Historico in Mexico.
Wandia Njoya, Kenya, Professeure assistante, Daystar University, Nairobi-Kenya.
Aminata Dramane Traoré, Mali, écrivaine, sociologue, ancienne ministre de la Culture.
Susan Allen, USA, Professeure, Emory University, Atlanta.
Jean-Claude Djereke, Côte d'Ivoire, Centre de Recherches Pluridisciplinaires sur les Communautés d'Afrique Noire et des Diasporas, Ottawa, Canada.
Jean-François Dupaquier, France, écrivain , Journaliste
Erik Ehn, USA, Directeur de programme, Writing for Performance, Brown University.
Mireille Fanon Mendes-France, France, Présidente, Fondation Frantz Fanon.
Gerise Herndon, USA, professeure, directrice de Gender Studies, Nebraska Wesleyan University.
Timothy Horner, USA, Professeur associé, Center for Peace and Justice Education, Villanova University.
Jean-Baptiste Kakoma, RDCongo, Médecin, Professeur, ancien doyen de la faculté de médecine, Ancien recteur de l'université de Lubumbashi en RDCongo, Directeur de l'école de Santé publique, Université nationale du Rwanda.
Aloys Mahwa, chercheur , centre d'etudes pluridisciplinaires sur le génocide, Kigali-Rwanda.
Yolande Mukagasana, Rwanda, écrivaine, Survivante du génocide, Lauréate du prix la colombe d'or, lauréate du prix Unesco de l'éducation pour la paix.
Timothée Ngakoutou, Tchad/France, professeur, ancien recteur de l'université du Tchad, ancien haut fonctionnaire de l'UNESCO chargé de mission pour l'éducation.
Moukoko Priso, Cameroun, Professeur, Université évangélique du Cameroon.
François Wokouache, Cameroun, cineaste, Directeur de KEMIT.
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/01/15/kivu-rdc-pourquoi-accuser-le-seul-m23.html
Des écrivains, artistes, chercheurs et professeurs des universités interpellent le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon sur la situation dans l'Est du Congo. Dans une lettre ouverte que nous publions, ces intellectuels dénoncent une "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit dans les Kivus. S'ils reconnaissent "la nécessité d'une attitude ferme vis à vis du M23" et du Rwanda, accusé de soutenir les rebelles, ils considèrent que "s'acharner contre une seule rébellion" ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous, écrivains, artistes, chercheurs et professeurs des universités, qui suivons de près la situation dans l’Est du Congo, avons décidé, par la présente, de nous adresser directement à vous sur une question dont dépendent la sécurité et le mieux-être de millions d’hommes et de femmes mais aussi la stabilité de toute la région des Grands Lacs et, plus largement, du continent africain.
Nous souhaitons avant tout, par notre geste, attirer votre attention sur une lecture que nous jugeons partiale et réductrice de la situation actuelle dans cette partie de l'Afrique. Une telle lecture est aujourd’hui imposée par les rapports de certains experts internationaux adeptes du « single-issue », consistant à faire fi de la complexité d’un phénomène pour en donner une explication unique et forcément simpliste. L’enquêteur principal Steve Hege et son équipe, que vous avez nommés, ont ainsi choisi d’accabler dans leurs conclusions le seul M23, pendant que d’autres mouvements rebelles opérationnels depuis 1994 et extrêmement nuisibles sont soit oubliés, soit passés sous silence pour des raisons qui nous inquiètent et nous interpellent. Cette interprétation orientée, porteuse de tous les dangers, est condamnée à être contre-productive en l’absence d’une vision globale du problème congolais, prenant en compte toutes ses ramifications politiques, économiques et socioculturelles. Nous ne comprenons pas que ces enquêteurs aient choisi d’ignorer l’existence des groupes armés- en particulier, et de manière très significative, des FDLR - responsables d’un chaos sanglant à l’Est du Congo. Nous vous invitons aussi à prendre au sérieux, à la différence de vos prédécesseurs jusqu’en 1994,les signes avant-coureurs d’un embrasement général de la région et, chose tout aussi troublante, les incitations publiques à la haine et au massacre des populations congolaises d’expression kinyarwanda.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous apprécions à sa juste valeur le choix de l’ONU de s’investir dans la stabilité du Congo à travers plusieurs missions. Il ne fait aucun doute que ses différentes opérations ont été d’une grande aide pour les populations congolaises sans défense. Nous n’en pensons pas moins qu’il ne sert à rien de traiter les effets d’une politique au lieu de s’attaquer aux causes réelles du mal. Il est temps que ce peuple, victime hier d’une exploitation coloniale féroce et, depuis l’indépendance, de la voracité des compagnies occidentales, chinoises et sud-africaines et de régimes tyranniques et prédateurs, puisse jouir des droits que seul peut lui garantir un Etat digne de ce nom. En effet si le Congo, ce pays aussi étendu que toute l’Europe occidentale et aux ressources naturelles quasi inépuisables, est aujourd’hui sans armée ni Etat, ce n’est pas la faute du Rwanda encore profondément traumatisé par un des pires génocides du vingtième siècle et faisant toujours face à la menace que font peser sur sa sécurité des génocidaires bien décidés à « finir le travail » entamé en avril 1994. Notre conviction est que si le Congo, qui aurait dû être le géant de l’Afrique en est le ventre mou, c’est aussi parce qu’il ne s’est jamais résolu à faire l’inventaire d’expériences coloniale et néocoloniale particulièrement dévastatrices. Il est impérieux pour ce grand peuple de méditer un moment-clé de son histoire, le meurtre de Patrice Lumumba qu’il n’en finit pas d’expier puisqu’il a balisé le chemin du pouvoir à Mobutu Sese Seko. Et chacun sait avec quelle rapacité ce dernier a mis son pays à genoux pendant trente-deux longues années, en complicité avec des puissances étrangères, avant de le laisser complètement exsangue à sa chute.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous reconnaissons la nécessité d’une attitude ferme vis-à-vis du M23, et d’une mise en garde responsable de tous les pays frontaliers du Congo, dont le Rwanda, pour qu’ils s’abstiennent de tout appui à cette nouvelle rébellion qui risque d’embraser, une fois de plus, la région et de plonger ses habitants dans d’effroyables souffrances. Nous avons toutefois du mal à accepter la logique sélective de ceux qui s’acharnent contre une rébellion récente pour mieux occulter le rôle dans le conflit de plusieurs groupes criminels, bien plus anciens et actifs, qui ont recours à une violence ouverte et massive. Ce silence témoigne à notre avis d’un choix délibéré d’induire l’opinion internationale en erreur. Voilà pourquoi nous tenons à rappeler que plusieurs rébellions opèrent dans le Sud-Kivu, le Nord-Kivu et le Maniema. Oxfam et 41 ONG congolaises en ont dressé la liste dans un récent rapport. Il s’agit de :
ADF : Alliance des Forces Démocratiques;
APCLS : Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain;
FRPI : Force des Résistances Patriotiques en Ituri;
FDLR : Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda;
LRA : Armée de résistance du Seigneur;
M23 : Mouvement du 23 mars;
Nyatura, rébellion Hutu ;
Sheka, rébellion Nyange ;
Mayi-Mayi Yakutumba, rébellion Bembe contre la communauté Banyamulenge;
Raïa Mutomboki, rébellion Rega et Tembo
UPCP : Union des Patriotes Congolais pour la Paix;
(Source: « 164 OXFAM briefing paper, November 2012. Commodities of war.
Communities speak out on the true cost of conflict in Eastern DRC, p.22»)
En plus des violences commises par les soldats gouvernementaux et les groupes armés cités plus haut contre les populations congolaises, « les preuves récemment recueillies par Oxfam, dans le cadre d’une enquête impliquant plus de 1300 personnes, dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, et dans la province orientale, montrent que les soldats de l’armée nationale et les autorités civiles y compris la police, ainsi que les groupes rebelles, se battent pour le monopole de l’extorsion des biens et de l’argent des communautés locales». Il est fondamental de souligner qu’à l’exception probable du M23, tous les groupes armés opérant dans les trois régions du Kivu sont hostiles au Rwanda et aux Congolais rwandophones. Ils constituent aussi un danger certain pour la stabilité du Congo. En outre, certaines de ces rebellions menacent d’autres pays de la région. C'est le cas notamment du FNL (Front national de Libération), rébellion burundaise active dans la plaine de la Ruzizi et de deux groupes ougandais, la LRA et l’ADF, ciblant particulièrement le régime de Kampala. Aucun de ces faits pourtant lourds de sens n’est mentionné dans ces rapports très contestés et qui ont surtout contribué à jeter de l’huile sur le feu. Ce faisant, ils se sont étrangement éloignés de toute possibilité de solution concertée. Bref, ils ont découragé le dialogue initié par des pays africains de la région des Grands Lacs et alimenté la méfiance entre communautés congolaises de l’Est et entre le Congo et le Rwanda. Cette lecture tronquée, relayée par la presse internationale et locale congolaise ainsi
que par les organisations des droits de l’homme, pourrait elle-même très vite générer de nouvelles violences.
Il est difficile pour un esprit rationnel de se faire à l’idée que le destin de millions d’humains puisse à ce point être tributaire des états d’âme d’un expert qui, aussi talentueux soit-il, n’est pas à l’abri de ses propres passions, voire de ses a priori idéologiques. Il apparaît très clairement que dans ce cas précis on a instrumentalisé l’appareil des Nations-Unies pour régler des comptes avec le gouvernement rwandais. Il est surprenant et inacceptable que l’ONU ait placé à la tête d’un groupe d’enquêteurs un homme qui s’est toujours montré en fin de compte si « compréhensif » à l’égard des Forces démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) Ce mouvement rebelle, constitué des vestiges de l'armée et des milices Interahamwe qui ont commis le génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994, s’est enrichi de nouvelles recrues dans les régions congolaises qu’il occupe depuis plusieurs années. Il continue à y commettre impunément des atrocités inouïes et, pour financer ses opérations militaires, en exploite les minerais en toute illégalité. Il les revend sur le marché international et il serait intéressant de savoir qui sont ses clients.
Monsieur le Secrétaire général,
L’ONU savait-elle au moment de la nomination de Steve Hege qu’il est l’auteur de
« Understanding the FDLR in DR Congo », texte dans lequel il s’employait déjà à réhabiliter cette organisation génocidaire, présentée comme l’émanation d’un groupe de réfugiés aux revendications légitimes ? Agacé et attristé par plusieurs tentatives de rapprochement entre les gouvernements du Congo et du Rwanda, il avouait craindre que ce processus ne marginalise le FDLR qui, écrivait-il, « se sent profondément trahi par les Congolais ».
Il s’exprimait ainsi au moment même où le président Barack Obama, alors sénateur, adressait une lettre de protestation à Condoleezza Rice, la Secrétaire d’Etat de l’époque à propos des violences sexuelles contre les femmes congolaises. Permettez-nous d’en reprendre à votre intention le passage que voici : “ Les criminels – constitués de militaires congolais sans foi ni loi, de milices locales et d’anciens miliciens Hutu ayant trouvé refuge dans les forêts du Congo après avoir participé au génocide rwandais de 1994 – ont réussi à financer et entretenir des conflits armés en exploitant les ressources naturelles du pays et en s’attaquant aux villages où ils commettent d’inqualifiables atrocités.”
Voilà en quels termes le président Obama exprimait son indignation contre les génocidaires repliés au Congo.
Mais ce n’est pas tout.
En 2010, dans un document intitulé « Independent Oversight for Mining In The Eastern Congo : A proposal for a third party Monitoring and Enforcement Mechanism», Steve Hege et son associé Jason Stearns, lui-même curieusement ancien investigateur des Nations-Unies sur la violence au Congo, réclamaient le droit exclusif de s’occuper de la vente des minerais de l’Est du Congo pour le compte de leur organisation non gouvernementale dénommée CIC (« Center on
International Cooperation »), d’un budget annuel évalué entre 3 et 5 millions de dollars.
Ces deux hommes, à travers le projet évoqué ci-dessus ont fait état, publiquement et par écrit, de leur souhait de commercialiser les minerais de l’Est du Congo. Il est dès lors étonnant que l’ONU ait mis l’un d’eux en position d’arbitre sur une crise aux forts relents miniers dans la même région. Le pire c’est que nous ne savons même plus s’il faut s’étonner de conflits d’intérêt aussi manifestes que scandaleux ou au contraire les juger en parfaite cohérence avec une politique de spoliation du Congo qui ne date hélas pas d’aujourd’hui. Pour s’approprier le marché, Hege et Stearns affirment, avec condescendance, que « (les institutions locales congolaises) sont essentiellement faibles et facilement exposées à la manipulation politique, au conflit des intérêts, à la corruption et, plus important, à l’intimidation de la part des gouvernants et des militaires eux mêmes.» Le mépris à l’égard du peuple congolais, que ces deux personnes prétendent pourtant défendre, est aussi patent que leur désir de se substituer aux autorités de ce pays. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les conditions n’étaient pas réunies pour l’élaboration d’un rapport objectif. Il nous est dès lors absolument impossible de comprendre le choix fait par le Conseil de Sécurité de reprendre à son compte les conclusions du Groupe d’Experts sans débat ni mise à l’épreuve préalable.
En tant que chercheurs, nous nous interrogeons sur l’impartialité et la rigueur d’une approche qui s’appuie largement et dans les termes les plus vagues sur une des parties, à savoir les officiels congolais et des opposants au régime de Kigali.
Nous notons au demeurant sans surprise que ce rapport-ci, comme les précédents, a fait l’objet d’une « fuite » bien opportune, destinée à distiller dans les medias et dans l’opinion internationale le message suivant : le monstrueux M23 est une création du Rwanda. Sauf votre respect, nous ne voyons pas ce que l’appui, fantasmé ou réel, du Rwanda à un tel mouvement, peut bien changer au fond de l’affaire. L’irruption du M23 sur la scène du drame congolais est postérieure à la présence de la Monusco et des groupes armés au Congo. Cela veut dire que le M23 est moins la cause qu’une simple conséquence d’une crise régionale aux multiples facettes. Certains choisissent d’ignorer cette évidence car il est plus commode pour eux d’instruire le procès de ces mutins que de parler des maux, connus de tous, qui gangrènent la société congolaise et dont le moindre n’est pas une corruption généralisée. Les rapports du Groupe d’experts de l’ONU ainsi que la couverture médiatique dont ils ont bénéficié aident à faire oublier les sociétés minières étrangères qui ont littéralement fait main basse sur le Congo. Oserons-nous vous suggérer de diligenter une enquête sur ce pillage ? C’est ce que le monde, l’Afrique, et en particulier le peuple congolais, attendent du Conseil de sécurité.
Monsieur le Secrétaire général,
Les Nations-Unies ont tort, à notre avis, de penser que la mise hors jeu du M23 et la suspension paradoxale de l’aide au développement du Rwanda - un pays salué pour la gestion rigoureuse, saine et transparente de son budget national - vont suffire pour ramener la paix à l’Est du Congo. L’expérience a également montré les limites de la solution militaire consistant à faire appuyer les forces gouvernementales congolaises par la Monusco. Sur le terrain, une telle option a pour principal résultat d’entretenir la guerre à laquelle on prétend par ailleurs mettre fin. C’est ainsi qu’au cours de la prise de Goma, le M23 a récupéré plus de 4 tonnes d’armes que l’on pourrait retrouver à un moment ou à un autre entre les mains de différents groupes rebelles.
Selon nous, la meilleure façon de contribuer à la paix et à la sécurité dans la région des Grands Lacs consisterait, entre autres,
- à décourager tout appui du Rwanda au M23 afin de permettre aux communautés
congolaises d’initier des discussions de fond sur leurs problèmes nationaux ;
- à décourager toute association du Congo avec le FDLR et tout soutien du
gouvernement congolais aux groupes armés qui sévissent actuellement sur son
territoire ;
- à s’attaquer à tous ces groupes armés et aux logiques qui en alimentent l’esprit
destructeur ;
- à prendre au sérieux les légitimes revendications sécuritaires du Rwanda.
- à oeuvrer sans relâche pour un rapprochement entre les gouvernements du Congo et du Rwanda ;
- à favoriser un échange franc et respectueux entre les forces intellectuelles, éthiques et spirituelles rwandaises et congolaises pour qu’elles initient et promeuvent un « vivre ensemble » fertile entre les communautés ;
- à initier des solutions qui intègrent les différents paramètres de la crise à l’Est du
Congo
- à réexaminer les accords occultes entre le gouvernement congolais et les
compagnies minières opérant sur son sol,
- à exiger une gestion saine des ressources du Congo par l’Etat congolais,
- à diligenter une enquête sur le clientélisme et l’enrichissement illicite de la classe
dirigeante congolaise actuelle, afin d’impulser une dynamique de gouvernance saine en RDC ;
- à privilégier la voie du dialogue initiée par la conférence des Grands Lacs et non
les menées bellicistes qui risquent de provoquer une grande guerre africaine aux
conséquences incalculables ;
- à protéger des communautés marginalisées prêtes à s’enrôler par désespoir dans des rébellions sans lendemain ;
- à défendre l’intangibilité des frontières congolaises, conformément aux voeux du
peuple congolais convaincu de la communauté de destin de toutes ses composantes ethniques ;
- à lier la notion d’intangibilité des frontières aux droits des communautés
propriétaires de leurs terres à vivre tranquillement et en toute sécurité dans leur pays en tant que citoyens congolais de plein droit ;
- à améliorer les méthodes de recrutement des enquêteurs de l’ONU dont les rapports ont une si grande influence sur le cours des évènements. Il est hautement souhaitable de veiller à ce qu’ils ne soient engagés qu’à l’issue de procédures transparentes et contradictoires, de nature à écarter tout risque ou soupçon de partialité de leur part.
Monsieur le Secrétaire général,
L’impératif de l’heure est la défense résolue par les Nations-Unies du principe de l’intangibilité des frontières congolaises. Elle est toutefois vouée à un échec certain si elle fait l’impasse sur les discriminations envers les citoyens congolais d’expression kinyarwanda, propriétaires de plein droit des terres congolaises où ils vivent de génération en génération depuis des siècles.
Pour bien comprendre la vulnérabilité d’une communauté marginalisée et indexée dans l’imaginaire congolais actuel comme la source de tous les maux du pays, il faut remonter aux origines du problème, à l’époque où, dans la dynamique de la Conférence de Berlin, des territoires rwandais sont devenus congolais ou encore lorsque, dans les années 30, des populations rwandophones ont été transplantées au Congo. Il n’y a pas longtemps, plus précisément dans les années 80, ces citoyens de seconde zone, privés de leurs doits civiques, étaient électeurs, mais pas éligibles. Au cours de la même période, durant « l’Opération Herbe », des étudiants Tutsi ont été battus et renvoyés des universités zaïroises. Du reste, afin que les objectifs visés par ces campagnes meurtrières soient bien clairs pour tous, un document a circulé en ce temps-là sous le titre révélateur : « Vive la nation zaïroise et à mort les usurpateurs de notre nationalité ». Ce texte appelait à « frapper ensemble et partout ces serpents (les étudiants Tutsi) qui veulent nous mordre ». Une décennie plus tard, au début des années 90, les Congolais Tutsi étaient tous interdits de participation à la « Conférence nationale souveraine », toujours sous prétexte qu’ils n’étaient pas « Zaïrois ». La chute de Mobutu, qui avait pourtant fait naître l’espoir de lendemains meilleurs grâce aux liens forgés dans la lutte contre la dictature, n’a fait qu’accentuer l’hostilité envers les Congolais rwandophones. De dérive en dérive, on en est arrivé aujourd’hui à ce qu’il faut bien appeler un désir ardent, quoique diffus, d’en finir une fois pour toutes avec ce que d’aucuns se permettent d’appeler « la question tutsi. » Certains milieux, ignorant les leçons de l’histoire, s’imaginent qu’il suffirait de se débarrasser de la communauté d’expression kinyarwanda du Congo pour améliorer les conditions d’existence du reste de la population.
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous pensons qu’il est urgent de procéder à une analyse moins tendancieuse et étriquée de la situation du Kivu, préalable nécessaire à toute solution durable. Nous ne saurions trop insister sur le fait que la focalisation exclusive sur le M23 et le Rwanda est suspecte et encourage les discours venimeux chez les extrémistes de plus en plus hardis qui n’hésitent plus à appeler dans les media sociaux à l’extermination des Tutsi. Le gouverneur du Nord Kivu, Julien Paluku, des membres du gouvernement congolais, une certaine presse locale congolaise, des hommes d’Eglise comme Bishop Élisée, un musicien comme Boketsu 1er incitent, ouvertement ou insidieusement, à la haine contre les populations Tutsi du Congo. Il est temps que vous-même preniez, à l’inverse de celui qui occupait vos fonctions en 1994, la mesure des périls qui menacent des populations civiles sans défense et dont le seul tort est d’être ce qu’elles sont. Une grande partie de la population congolaise, chauffée à blanc par son gouvernement et par les accusations de Hege et d’une certaine presse, est aujourd’hui prête pour un meurtrier passage à l’acte. Les alliances entre les militaires de l’armée congolaise et les milices génocidaires sont un autre signe qui ne devrait tromper personne, et surtout pas vous qui avez une responsabilité particulière dans la préservation de la paix mondiale.
Monsieur le Secrétaire Général,
Nous demandons aux Nations-Unies de tout mettre en oeuvre pour qu’à l’absurde guerre de l’Est de la RDC se substitue enfin une paix durable. Cette paix est un rêve et nous avons voulu vous dire, à travers cette lettre, à quelles conditions il peut, selon nous, devenir une réalité. Pour préserver les chances de cette paix à venir, nous, écrivains, professeurs des Universités, chercheurs et artistes d’horizon divers, dénonçons la mutinerie du M23. Nous nous élevons également contre tout appui, d’où qu’il vienne, à ce mouvement armé. Mais nous estimons aussi qu’il est de notre devoir d’appeler la communauté internationale à traiter avec plus de sérieux et de rigueur la question de la présence de génocidaires lourdement armés sur le sol congolais, grave source d’inquiétude pour le Rwanda. Nous condamnons également avec fermeté la tentative de militarisation à outrance du Kivu par le gouvernement congolais.
Monsieur le Secrétaire général,
Nous vous invitons à prendre vos responsabilités face aux menaces sur lesquelles nous avons voulu attirer votre attention. Il n’en va pas seulement du destin des populations et de leur besoin de sécurité dans les pays des Grands Lacs ; il en va aussi de la crédibilité des Nations-Unies et de l’honneur de l’humanité. En souhaitant que 2013 soit l’année du dialogue et de la paix pour tous les peuples de la terre, nous vous prions d’accepter Monsieur le Secrétaire général, les assurances de nos meilleurs sentiments.
Signataires :
Boubacar Boris Diop, Sénégal, romancier, essayiste et enseignant, Université Gaston Berger, Saint-Louis- Senegal.
Godefroid Kä Mana, RDCongo, philosophe, analyste politique et théologien, Professeur, Université évangélique du Cameroun, Institut catholique de Goma-RDCongo.
Jean-Pierre Karegeye, Rwanda, Directeur du Centre d'études pluridisciplinaires sur le génocide, Professeur assistant, Macalester College, Minnesota-USA.
Margee Ensign, USA, Présidente de l’Universite américaine du Nigeria.
Koulsy Lamko, Tchad, Romancier, dramaturge, directeur de la Casa Hankili Africa, Centro Historico in Mexico.
Wandia Njoya, Kenya, Professeure assistante, Daystar University, Nairobi-Kenya.
Aminata Dramane Traoré, Mali, écrivaine, sociologue, ancienne ministre de la Culture.
Susan Allen, USA, Professeure, Emory University, Atlanta.
Jean-Claude Djereke, Côte d'Ivoire, Centre de Recherches Pluridisciplinaires sur les Communautés d'Afrique Noire et des Diasporas, Ottawa, Canada.
Jean-François Dupaquier, France, écrivain , Journaliste
Erik Ehn, USA, Directeur de programme, Writing for Performance, Brown University.
Mireille Fanon Mendes-France, France, Présidente, Fondation Frantz Fanon.
Gerise Herndon, USA, professeure, directrice de Gender Studies, Nebraska Wesleyan University.
Timothy Horner, USA, Professeur associé, Center for Peace and Justice Education, Villanova University.
Jean-Baptiste Kakoma, RDCongo, Médecin, Professeur, ancien doyen de la faculté de médecine, Ancien recteur de l'université de Lubumbashi en RDCongo, Directeur de l'école de Santé publique, Université nationale du Rwanda.
Aloys Mahwa, chercheur , centre d'etudes pluridisciplinaires sur le génocide, Kigali-Rwanda.
Yolande Mukagasana, Rwanda, écrivaine, Survivante du génocide, Lauréate du prix la colombe d'or, lauréate du prix Unesco de l'éducation pour la paix.
Timothée Ngakoutou, Tchad/France, professeur, ancien recteur de l'université du Tchad, ancien haut fonctionnaire de l'UNESCO chargé de mission pour l'éducation.
Moukoko Priso, Cameroun, Professeur, Université évangélique du Cameroon.
François Wokouache, Cameroun, cineaste, Directeur de KEMIT.
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Re: Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
Lettre ouverte d'Honoré NGBANDA à MUSEVENI
Ma réaction à votre lettre du 11 janvier 2013 au Secrétaire Général de l’ONU
Excellence Monsieur le Président,
Depuis notre dernière rencontre du 20 février 1997 à 10 heures à l’hôtel Cape Sun à Cape Town en Afrique du Sud, malgré les liens d’amitié qui nous liaient, je me suis abstenu de tout contact direct ou indirect avec vous jusqu’à ce jour pour des raisons que vous connaissez bien. Mais si je me suis résolu de m’adresser directement à vous à travers cette lettre ouverte, c’est pour deux raisons majeures. Premièrement, parce que je réalise que vous venez de passer à la phase décisive du projet de balkanisation de la République Démocratique du Congo, et votre lettre du 11 Janvier 2013 au Secrétaire général de l’ONU lui distille à cette fin des messages sibyllins qui ne m’ont pas échappés et que je me fais le devoir de les décrypter ici.
Deuxièmement, si j’ai choisi la forme d’une lettre ouverte, c’est parce que je voudrais saisir cette opportunité pour alerter et prendre en même temps à témoins, l’opinion nationale congolaise ainsi que la communauté internationale au sujet de votre approche et de vos objectifs secrets qui risquent de plonger toute notre région des Grands Lacs dans une longue crise dont personne ne peut prédire l’issue aujourd’hui.
Monsieur le Président,
Lorsque le Maréchal MOBUTU avait accepté en 1985 de vous soutenir, avec le concours du Président ARAP MOI du Kenya, dans votre combat pour le rétablissement de la paix, la sécurité et la stabilité qui manquaient cruellement en Ouganda, il ne vous avait rien exigé en retour, ni pour son intérêt personnel, ni pour celui de la République du Zaïre. Par contre, aujourd’hui, votre démarche politique envers la République Démocratique du Congo, cache très mal des visées secrètes égoïstes et inavouables. Vos thèses et vos propositions pour résoudre une crise que vous avez vous-même créée en République Démocratique du Congo depuis 1996 ne visent qu’à promouvoir les intérêts propres à votre pays, et à ceux de vos alliés en Afrique et dans le monde.
Depuis le début de cette guerre que le Rwanda et l’Ouganda mènent contre le peuple congolais depuis douze ans, vous prenez toujours comme prétexte, la défense d’une certaine communauté qui change d’identité, d’appellation et de nombre au gré du temps et des circonstances.
Il vous souviendra, Monsieur le Président, qu’un mois à peine après le déclenchement de la guerre contre le Zaïre, à l’issue de la séance de travail que j’ai eue avec vous-même et le vice-président Paul KAGAME le 4 novembre 1996 dans vos bureaux à Kampala, vous aviez reconnu, grâce aux preuves que je vous avais présentées, être les initiateurs et les organisateurs de cette guerre, alors que pour vous camoufler, vous l’aviez baptisée dès le premier jour de « Révolte des Banyamulenge». Un mois plus tard, juste avant notre rencontre, ayant constaté que ce mensonge ne tenait pas la route, vous aviez sorti alors Laurent Désiré KABILA de sa ferme située dans la banlieue de Kampala pour le parachuter, le 30 octobre 1996, à la tête de «la lutte de libération du Congo contre la dictature de Mobutu», deuxième version officielle de cette agression.
Vous-vous rappellerez alors qu’à l’issue de cette rencontre à trois qui avait durée 3heures et 20 minutes, ayant reconnu devant moi être les auteurs de cette agression, vous et le vice-président KAGAME m’aviez remis à l’intention du président MOBUTU, de son gouvernement et de l’Union Européenne, un document intitulé «Proposition du Rwanda et de l’Ouganda pour la Paix. (Suggestions au Président MOBUTU) ».
Je vous rappelle que sur les 12 « suggestions » qui étaient en fait les ultimatums des puissances extérieures qui vous soutenaient, vous aviez écrit au point 5 : «Que le gouvernement du Zaïre restitue la nationalité aux ayants-droit (les Banyamulenge) conformément au droit international en la matière» (c’est moi qui souligne).Curieusement, je constate aujourd’hui que dans votre lettre au Secrétaire général de l’ONU, le vocable «Banyamulenge» a disparu, et vous l’avez remplacé par un nouveau vocable de «Banyarwanda» que vous qualifiez de «groupe ethnique congolais» pour lequel vous réclamez encore et toujours «le droit de citoyenneté».
Mais en réalité, ce que vous visez, c’est l’autodétermination des ressortissants tutsis rwandais, ougandais et burundais sur le territoire congolais, pour parvenir à la fin, à la formation d’un «tutsi land»!
Monsieur le Président,
Dois-je vous rappelez que dans tous les pays du monde, y compris en République Démocratique du Congo comme en Ouganda, tous les groupes sociaux à caractères ethniques sont répertoriés et identifiés selon une nomenclature officielle de l’administration de l’Etat? Quel est donc ce pays où les entités ethniques changent de dénomination et de nombre au gré du vent ? Quel est finalement le groupe pour lequel vous réclamez la nationalité, est-ce les «Banyamulenge» ou les «Banyarwanda» ? Où ce groupe est-il répertorié dans les archives officielles de la RDC telles que nous léguées par la colonisation belge? Je ne dis pas que la RDC ne peut pas accorder la nationalité aux différents étrangers ou groupes d’étrangers qui ont choisi d’immigrer en RDC pour diverses raisons humanitaires ou autres. Mais faut-il que cela se fasse selon les normes prévues par les lois congolaises.
Mais au vu du droit international que vous évoquez dans votre lettre, la nature du problème que vous posez est totalement interne en République Démocratique du Congo et elle relève de sa souveraineté nationale. Ce problème n’autorise donc nullement l’Ouganda et le Rwanda à lever leurs armées pour envahir toute la RDC jusqu’à Kinshasa ! La nature de ce problème disais-je, autorise encore moins les armées du Rwanda et de l’Ouganda à se livrer aux massacres et aux viols des populations congolaises qu’elles chassent massivement de leurs terres pour donner celles-ci à leurs populations. Elle ne les autorise pas non plus à organiser le pillage systématique des richesses de la RDC au point de se battre sur le territoire congolais pour contrôler le trafic des matières précieuses (l’or et le diamant) comme ce fut le cas de l’affrontement scandaleux entre vos troupes ougandaises et celles de Paul KAGAME à Kisangani en 2002!
Monsieur le Président,
Dans votre lettre, vous évoquez comme deuxième préoccupation des problèmes « qui doivent faire partie du cadre de travail si nous voulons solutionner à long terme le problème de la RDC». Et vous définissez ce problème au point 2 comme étant celui «des forces négatives qui continuent à utiliser le territoire de la RDC comme un refuge pour déstabiliser ses voisins ».Voilà ce que j’ai qualifié plus haut de langage sibyllin. Je trouve en effet que cet argument n’est qu’un prétexte fallacieux qui cache plutôt des visées secrètes et inavouables. En effet, si ces forces négatives constituaient réellement, selon vous, des préoccupations sécuritaires majeures au point de justifier l’agression du Zaïre en 1996 par vos armées, comment alors expliquer que vous n’ayez pas pu éradiquer ces fameuses «forces négatives» opérant toutes le long de la frontière de la RDC avec vos pays respectives, alors que vos armées ont envahi et occupé durant plusieurs années la RDC jusqu’à Kinshasa située à 2000 Km de la frontière avec vos «territoires menacés»?
Je vous rappelle, Monsieur le Président, que les troupes ougandaises commandées par des généraux très proches de vous, ont encadré les troupes du MLC de Jean Pierre BEMBA. Et pendant plus de deux ans, vos hommes ont contrôlé toute l’étendue du territoire congolais faisant frontière avec l’Ouganda. Pourtant, on les a vus plus s’occuper du trafic des richesses de la RDC plutôt que de l’éradication de ces fameuses «forces négatives»!
Les différents rapports des experts de l’ONU ont répertoriés les noms des officiers ougandais très proches de vous, et qui se sont livrés allègrement aux pillages des ressources congolaises.Puis-je aussi vous rappeler, Monsieur le Président, que le lundi 19 décembre 2005, la Cour internationale de justice condamnait votre gouvernement parce qu’elle estimait que « l’Ouganda avait violé la souveraineté de la République Démocratique du Congo (RDC) et était responsable de violations des droits de l’homme commises dans ce pays lors de la guerre de 1998-2003. Le tribunal juge en outre l’Ouganda responsable d’actes de pillage en RDC car il n’a pas fait en sorte que ses soldats respectent les ressources naturelles de ce pays » (cfr. Article de l’AFP et Reuters du 19 décembre 2005).
Dès lors, quel crédit doit-on accorder à votre « médiation » et à vos recommandations au Secrétaire général de l’ONU ? La vérité, Monsieur le Président, est que les « forces négatives » constituent plutôt pour vous un fonds de commerce et un prétexte pour la réalisation du plan secret de la balkanisation de la RDC. Car votre démarche et celle du Président Paul KAGAME visent à arracher au peuple congolais une partie de son territoire qui fait frontière avec vos pays. Et pour cela, vous vous servez de la problématique des émigrés tutsi rwandais en RDC pour accomplir progressivement le projet d’annexion de la partie Est de la RDC à vos pays.
Pour cela, une catégorie d’émigrés tutsis rwandais est instrumentalisée par vos deux gouvernements.Devrais-je vous rappeler, Monsieur le Président, que le mouvement des émigrés rwandais en RDC est un fait historique et sociologique qui n’a jamais posé des problèmes depuis avant les années 1950 ? Devrais-je rappeler à votre mémoire que beaucoup de Congolais d’origine rwandaise ont occupé des postes de responsabilité en RDC depuis avant l’indépendance sans susciter une quelconque tension au sein du peuple congolais ?
Alors, je vous invite à vous poser la question de savoir d’où et pourquoi est née la tension actuelle. Le peuple congolais a accueilli durant des décennies plus d’un million de réfugiés angolais sur son territoire dont près de la moitié dans la capitale congolaise, et cela n’a jamais créé une quelconque tension. Notre peuple vit en paix et en promiscuité avec six autres pays voisins dont les familles vivent de part et d’autre des frontières et se marient sans que cela pose un quelconque problème de citoyenneté ou d’origine.
N’avez-vous pas constaté, Monsieur le Président, que parmi les neufs pays voisins de la RDC, les six dont les peuples vivent en promiscuité avec le peuple congolais sans que cela pose problème ont tous comme dénominateur commun l’absence de l’ethnie tutsie chez eux? Et qu’à contrario, seuls les trois pays voisins à l’Est de la RDC (le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi) qui comptent cette ethnie tutsie en leurs seins, sont à l’origine des problèmes conflictuels avec le peuple congolais? Comment expliquez-vous que plus de 200 ethnies que compte la RDC ne soient pas en guerre les unes contre les autres, et que seule l’énigmatique communauté des « Banyamulenge » ou «Banyarwanda», c’est selon, dresse contre elle toutes les ethnies de la RDC? Voilà la vraie problématique que nous devons creuser, si nous voulons la paix réelle dans notre sous-région d’Afrique.
Pour le reste, Monsieur le Président, vous savez que je sais les liens très étroits qui vous unissent au M23. Vous savez que je sais quelles sont les alliances secrètes dans la région de Grands lacs en faveur du M23. Vous savez enfin que je sais que vous connaissez les vrais initiateurs du M23 et leurs réels objectifs en RDC. Vous savez bien comment est né le M23, et pourquoi. Vous savez que les prétendues négociations que préside l’Ouganda ne sont qu’une odieuse mise-en-scène destinée à aider le Rwanda et l’Ouganda à avancer dans leur projet conjoint d’obtenir la cession d’une partie riche du territoire congolais en faveur des peuples rwandais et ougandais.
Votre lettre au Secrétaire général de l’ONU ne vise qu’à déblayer le terrain pour poser ce jalon-là ! Voilà pourquoi je vous écris cette lettre ouverte pour dénoncer haut et fort cette manœuvre sordide. Jamais le peuple congolais ne laissera tomber un mètre carré de son territoire. Parler d’«une ethnie minoritaire» en RDC est une aberration, car la force du peuple congolais réside justement dans le fait que la grande majorité d’ethnies (plus de 200) est justement minoritaire!
Chez nous en RDC, nous parlons plutôt de « petites et grandes ethnies» en fonction de leur nombre et de l’étendue de leur territoire. Mais cette notion exclue toute idée d’opposition entre ces ethnies! C’est cela qui fait qu’il n’y a pas de conflit ethnique en RDC. Par contre, il y a plus d’une centaine d’ethnies en RDC dont le nombre est inférieur aux «Banyarwanda» (pour reprendre votre expression) qui sont pourtant mieux représentés au sein des institutions de la RDC, plus que certaines grandes ethnies.
Monsieur le Président, Je suis l’homme que vous avez connu et appelé «frère». Et je suis resté le même : sincèrement africain, profondément patriote, résolument attaché aux valeurs de paix, de liberté, de justice et de dignité! Je vous ai accueilli à Kinshasa en 1986 au nom de ces valeurs. Je ne vous ai jamais rien demandé en retour. Regardons au bien-être des générations présentes et futures de nos peuples respectifs et de ceux de l’Afrique dans son ensemble.
Nous ne construirons pas l’Afrique en cherchant la domination d’une ethnie sur une autre, ni d’un peuple sur un autre, en recourant à la ruse et à la force. La République Démocratique du Congo, mon pays, est aujourd’hui malade. Elle est malade d’une partie importante de son élite et de sa classe politique que vous manipulez à souhait. Mais elle a aussi une jeunesse qui observe, qui souffre, qui pleure certes, mais qui a compris ce dont notre peuple est victime et se relève sur les cendres de ses victimes.
Ne créons donc pas aujourd’hui les conditions de drames futures pour nos enfants. Ne plantons pas les germes de la violence et de l’humiliation, car ils produiront demain les fruits du rejet et de la vengeance. Vous êtes un visionnaire, alors regardons plus loin et plantons dès aujourd’hui les germes de paix, de justice et de concorde pour des générations à venir.
Paris, le 21 Janvier 2013Honoré NGBANDA NZAMBO KO ATUMBA
Président National de l’APARECO
Ci-dessous en annexe : La lettre de Yoweri Kaguta Museveni au Secrétaire Général de l’ONU (Lettre traduite par l’APARECO)Kampala, le 11 Janvier 2013
Excellence,
Je vous envoie des salutations chaleureuses du Gouvernement et du peuple de l'Ouganda, et vous souhaite une heureuse et prospère année 2013, comme nous nous battons pour gérer quelques problèmes liés aux grands défis qui affectent nos peuples. Je voudrais vous remercier pour votre intérêt personnel continu et l'engagement sur les problèmes africains, et davantage sur la question de trouver une paix et sécurité durables dans la Région des Grands Lacs. Je vous écris par rapport au Cadre de travail proposé pour la paix et la sécurité pour la RDC et la Région des Grands Lacs que vous m'avez envoyé en Décembre 2012. Je salue et je suis d'accord avec les propositions que vous m'avez faites dans ce Cadre de travail, concernant les principes d'engagement et d'obligations qui doivent être suivis par le Gouvernement de la RDC, la Région des Grands Lacs et la Communauté internationale. Néanmoins, il y a trois problèmes critiques, que je crois, qui doivent faire partie du Cadre de travail si nous voulons solutionner le problème de la RDC a long terme.
1. Les droits de citoyenneté pour certains groupes ethniques congolais doivent etre respectés et garantis. Faire autrement voudrait dire que ces groupes vont continuer de manière intermittente a se battre pour la reconnaissance de leurs droits comme citoyens de la RDC. Durant le temps de Mobutu, quelques groupes Tutsi étaient déclarés non-Congolais. Le Gouvernement actuel (Président Joseph Kabila) n'a pas répété la posture du Président Mobutu sur la non-Congolité des Banyarwanda. Toutefois, les Banyarwanda Congolais se plaignent pour les campagnes de haine qui sont tolérés par le Gouvernement. Ceci doit être discuté et résolu.
2.La question des forces négatives qui continuent à utiliser le territoire de la RDC comme un refuge pour déstabiliser ses voisins, et
3.L'usage déséquilibré et l'application des institutions du système de la justice internationale et les dispositions, particulièrement la Cour pénale internationale et le régime des sanctions des Nations Unies. Bien que combattre l'impunité soit idéal et acceptable, la recherche de la paix devrait précéder la justice, et devrait s'appliquer de manière égale a toutes les parties. Dans le Cadre de travail proposé, en conséquence, les problèmes relevés aux points (1) et (2) ci-dessus doivent être inclus comme obligations de la RDC, et le point (3) devrait s'ajouter aux obligations de la Communauté internationale.
Veuillez accepter, Excellence, les assurances de ma très haute considération.S/é Yoweri Kaguta Museveni Président.
Ma réaction à votre lettre du 11 janvier 2013 au Secrétaire Général de l’ONU
Excellence Monsieur le Président,
Depuis notre dernière rencontre du 20 février 1997 à 10 heures à l’hôtel Cape Sun à Cape Town en Afrique du Sud, malgré les liens d’amitié qui nous liaient, je me suis abstenu de tout contact direct ou indirect avec vous jusqu’à ce jour pour des raisons que vous connaissez bien. Mais si je me suis résolu de m’adresser directement à vous à travers cette lettre ouverte, c’est pour deux raisons majeures. Premièrement, parce que je réalise que vous venez de passer à la phase décisive du projet de balkanisation de la République Démocratique du Congo, et votre lettre du 11 Janvier 2013 au Secrétaire général de l’ONU lui distille à cette fin des messages sibyllins qui ne m’ont pas échappés et que je me fais le devoir de les décrypter ici.
Deuxièmement, si j’ai choisi la forme d’une lettre ouverte, c’est parce que je voudrais saisir cette opportunité pour alerter et prendre en même temps à témoins, l’opinion nationale congolaise ainsi que la communauté internationale au sujet de votre approche et de vos objectifs secrets qui risquent de plonger toute notre région des Grands Lacs dans une longue crise dont personne ne peut prédire l’issue aujourd’hui.
Monsieur le Président,
Lorsque le Maréchal MOBUTU avait accepté en 1985 de vous soutenir, avec le concours du Président ARAP MOI du Kenya, dans votre combat pour le rétablissement de la paix, la sécurité et la stabilité qui manquaient cruellement en Ouganda, il ne vous avait rien exigé en retour, ni pour son intérêt personnel, ni pour celui de la République du Zaïre. Par contre, aujourd’hui, votre démarche politique envers la République Démocratique du Congo, cache très mal des visées secrètes égoïstes et inavouables. Vos thèses et vos propositions pour résoudre une crise que vous avez vous-même créée en République Démocratique du Congo depuis 1996 ne visent qu’à promouvoir les intérêts propres à votre pays, et à ceux de vos alliés en Afrique et dans le monde.
Depuis le début de cette guerre que le Rwanda et l’Ouganda mènent contre le peuple congolais depuis douze ans, vous prenez toujours comme prétexte, la défense d’une certaine communauté qui change d’identité, d’appellation et de nombre au gré du temps et des circonstances.
Il vous souviendra, Monsieur le Président, qu’un mois à peine après le déclenchement de la guerre contre le Zaïre, à l’issue de la séance de travail que j’ai eue avec vous-même et le vice-président Paul KAGAME le 4 novembre 1996 dans vos bureaux à Kampala, vous aviez reconnu, grâce aux preuves que je vous avais présentées, être les initiateurs et les organisateurs de cette guerre, alors que pour vous camoufler, vous l’aviez baptisée dès le premier jour de « Révolte des Banyamulenge». Un mois plus tard, juste avant notre rencontre, ayant constaté que ce mensonge ne tenait pas la route, vous aviez sorti alors Laurent Désiré KABILA de sa ferme située dans la banlieue de Kampala pour le parachuter, le 30 octobre 1996, à la tête de «la lutte de libération du Congo contre la dictature de Mobutu», deuxième version officielle de cette agression.
Vous-vous rappellerez alors qu’à l’issue de cette rencontre à trois qui avait durée 3heures et 20 minutes, ayant reconnu devant moi être les auteurs de cette agression, vous et le vice-président KAGAME m’aviez remis à l’intention du président MOBUTU, de son gouvernement et de l’Union Européenne, un document intitulé «Proposition du Rwanda et de l’Ouganda pour la Paix. (Suggestions au Président MOBUTU) ».
Je vous rappelle que sur les 12 « suggestions » qui étaient en fait les ultimatums des puissances extérieures qui vous soutenaient, vous aviez écrit au point 5 : «Que le gouvernement du Zaïre restitue la nationalité aux ayants-droit (les Banyamulenge) conformément au droit international en la matière» (c’est moi qui souligne).Curieusement, je constate aujourd’hui que dans votre lettre au Secrétaire général de l’ONU, le vocable «Banyamulenge» a disparu, et vous l’avez remplacé par un nouveau vocable de «Banyarwanda» que vous qualifiez de «groupe ethnique congolais» pour lequel vous réclamez encore et toujours «le droit de citoyenneté».
Mais en réalité, ce que vous visez, c’est l’autodétermination des ressortissants tutsis rwandais, ougandais et burundais sur le territoire congolais, pour parvenir à la fin, à la formation d’un «tutsi land»!
Monsieur le Président,
Dois-je vous rappelez que dans tous les pays du monde, y compris en République Démocratique du Congo comme en Ouganda, tous les groupes sociaux à caractères ethniques sont répertoriés et identifiés selon une nomenclature officielle de l’administration de l’Etat? Quel est donc ce pays où les entités ethniques changent de dénomination et de nombre au gré du vent ? Quel est finalement le groupe pour lequel vous réclamez la nationalité, est-ce les «Banyamulenge» ou les «Banyarwanda» ? Où ce groupe est-il répertorié dans les archives officielles de la RDC telles que nous léguées par la colonisation belge? Je ne dis pas que la RDC ne peut pas accorder la nationalité aux différents étrangers ou groupes d’étrangers qui ont choisi d’immigrer en RDC pour diverses raisons humanitaires ou autres. Mais faut-il que cela se fasse selon les normes prévues par les lois congolaises.
Mais au vu du droit international que vous évoquez dans votre lettre, la nature du problème que vous posez est totalement interne en République Démocratique du Congo et elle relève de sa souveraineté nationale. Ce problème n’autorise donc nullement l’Ouganda et le Rwanda à lever leurs armées pour envahir toute la RDC jusqu’à Kinshasa ! La nature de ce problème disais-je, autorise encore moins les armées du Rwanda et de l’Ouganda à se livrer aux massacres et aux viols des populations congolaises qu’elles chassent massivement de leurs terres pour donner celles-ci à leurs populations. Elle ne les autorise pas non plus à organiser le pillage systématique des richesses de la RDC au point de se battre sur le territoire congolais pour contrôler le trafic des matières précieuses (l’or et le diamant) comme ce fut le cas de l’affrontement scandaleux entre vos troupes ougandaises et celles de Paul KAGAME à Kisangani en 2002!
Monsieur le Président,
Dans votre lettre, vous évoquez comme deuxième préoccupation des problèmes « qui doivent faire partie du cadre de travail si nous voulons solutionner à long terme le problème de la RDC». Et vous définissez ce problème au point 2 comme étant celui «des forces négatives qui continuent à utiliser le territoire de la RDC comme un refuge pour déstabiliser ses voisins ».Voilà ce que j’ai qualifié plus haut de langage sibyllin. Je trouve en effet que cet argument n’est qu’un prétexte fallacieux qui cache plutôt des visées secrètes et inavouables. En effet, si ces forces négatives constituaient réellement, selon vous, des préoccupations sécuritaires majeures au point de justifier l’agression du Zaïre en 1996 par vos armées, comment alors expliquer que vous n’ayez pas pu éradiquer ces fameuses «forces négatives» opérant toutes le long de la frontière de la RDC avec vos pays respectives, alors que vos armées ont envahi et occupé durant plusieurs années la RDC jusqu’à Kinshasa située à 2000 Km de la frontière avec vos «territoires menacés»?
Je vous rappelle, Monsieur le Président, que les troupes ougandaises commandées par des généraux très proches de vous, ont encadré les troupes du MLC de Jean Pierre BEMBA. Et pendant plus de deux ans, vos hommes ont contrôlé toute l’étendue du territoire congolais faisant frontière avec l’Ouganda. Pourtant, on les a vus plus s’occuper du trafic des richesses de la RDC plutôt que de l’éradication de ces fameuses «forces négatives»!
Les différents rapports des experts de l’ONU ont répertoriés les noms des officiers ougandais très proches de vous, et qui se sont livrés allègrement aux pillages des ressources congolaises.Puis-je aussi vous rappeler, Monsieur le Président, que le lundi 19 décembre 2005, la Cour internationale de justice condamnait votre gouvernement parce qu’elle estimait que « l’Ouganda avait violé la souveraineté de la République Démocratique du Congo (RDC) et était responsable de violations des droits de l’homme commises dans ce pays lors de la guerre de 1998-2003. Le tribunal juge en outre l’Ouganda responsable d’actes de pillage en RDC car il n’a pas fait en sorte que ses soldats respectent les ressources naturelles de ce pays » (cfr. Article de l’AFP et Reuters du 19 décembre 2005).
Dès lors, quel crédit doit-on accorder à votre « médiation » et à vos recommandations au Secrétaire général de l’ONU ? La vérité, Monsieur le Président, est que les « forces négatives » constituent plutôt pour vous un fonds de commerce et un prétexte pour la réalisation du plan secret de la balkanisation de la RDC. Car votre démarche et celle du Président Paul KAGAME visent à arracher au peuple congolais une partie de son territoire qui fait frontière avec vos pays. Et pour cela, vous vous servez de la problématique des émigrés tutsi rwandais en RDC pour accomplir progressivement le projet d’annexion de la partie Est de la RDC à vos pays.
Pour cela, une catégorie d’émigrés tutsis rwandais est instrumentalisée par vos deux gouvernements.Devrais-je vous rappeler, Monsieur le Président, que le mouvement des émigrés rwandais en RDC est un fait historique et sociologique qui n’a jamais posé des problèmes depuis avant les années 1950 ? Devrais-je rappeler à votre mémoire que beaucoup de Congolais d’origine rwandaise ont occupé des postes de responsabilité en RDC depuis avant l’indépendance sans susciter une quelconque tension au sein du peuple congolais ?
Alors, je vous invite à vous poser la question de savoir d’où et pourquoi est née la tension actuelle. Le peuple congolais a accueilli durant des décennies plus d’un million de réfugiés angolais sur son territoire dont près de la moitié dans la capitale congolaise, et cela n’a jamais créé une quelconque tension. Notre peuple vit en paix et en promiscuité avec six autres pays voisins dont les familles vivent de part et d’autre des frontières et se marient sans que cela pose un quelconque problème de citoyenneté ou d’origine.
N’avez-vous pas constaté, Monsieur le Président, que parmi les neufs pays voisins de la RDC, les six dont les peuples vivent en promiscuité avec le peuple congolais sans que cela pose problème ont tous comme dénominateur commun l’absence de l’ethnie tutsie chez eux? Et qu’à contrario, seuls les trois pays voisins à l’Est de la RDC (le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi) qui comptent cette ethnie tutsie en leurs seins, sont à l’origine des problèmes conflictuels avec le peuple congolais? Comment expliquez-vous que plus de 200 ethnies que compte la RDC ne soient pas en guerre les unes contre les autres, et que seule l’énigmatique communauté des « Banyamulenge » ou «Banyarwanda», c’est selon, dresse contre elle toutes les ethnies de la RDC? Voilà la vraie problématique que nous devons creuser, si nous voulons la paix réelle dans notre sous-région d’Afrique.
Pour le reste, Monsieur le Président, vous savez que je sais les liens très étroits qui vous unissent au M23. Vous savez que je sais quelles sont les alliances secrètes dans la région de Grands lacs en faveur du M23. Vous savez enfin que je sais que vous connaissez les vrais initiateurs du M23 et leurs réels objectifs en RDC. Vous savez bien comment est né le M23, et pourquoi. Vous savez que les prétendues négociations que préside l’Ouganda ne sont qu’une odieuse mise-en-scène destinée à aider le Rwanda et l’Ouganda à avancer dans leur projet conjoint d’obtenir la cession d’une partie riche du territoire congolais en faveur des peuples rwandais et ougandais.
Votre lettre au Secrétaire général de l’ONU ne vise qu’à déblayer le terrain pour poser ce jalon-là ! Voilà pourquoi je vous écris cette lettre ouverte pour dénoncer haut et fort cette manœuvre sordide. Jamais le peuple congolais ne laissera tomber un mètre carré de son territoire. Parler d’«une ethnie minoritaire» en RDC est une aberration, car la force du peuple congolais réside justement dans le fait que la grande majorité d’ethnies (plus de 200) est justement minoritaire!
Chez nous en RDC, nous parlons plutôt de « petites et grandes ethnies» en fonction de leur nombre et de l’étendue de leur territoire. Mais cette notion exclue toute idée d’opposition entre ces ethnies! C’est cela qui fait qu’il n’y a pas de conflit ethnique en RDC. Par contre, il y a plus d’une centaine d’ethnies en RDC dont le nombre est inférieur aux «Banyarwanda» (pour reprendre votre expression) qui sont pourtant mieux représentés au sein des institutions de la RDC, plus que certaines grandes ethnies.
Monsieur le Président, Je suis l’homme que vous avez connu et appelé «frère». Et je suis resté le même : sincèrement africain, profondément patriote, résolument attaché aux valeurs de paix, de liberté, de justice et de dignité! Je vous ai accueilli à Kinshasa en 1986 au nom de ces valeurs. Je ne vous ai jamais rien demandé en retour. Regardons au bien-être des générations présentes et futures de nos peuples respectifs et de ceux de l’Afrique dans son ensemble.
Nous ne construirons pas l’Afrique en cherchant la domination d’une ethnie sur une autre, ni d’un peuple sur un autre, en recourant à la ruse et à la force. La République Démocratique du Congo, mon pays, est aujourd’hui malade. Elle est malade d’une partie importante de son élite et de sa classe politique que vous manipulez à souhait. Mais elle a aussi une jeunesse qui observe, qui souffre, qui pleure certes, mais qui a compris ce dont notre peuple est victime et se relève sur les cendres de ses victimes.
Ne créons donc pas aujourd’hui les conditions de drames futures pour nos enfants. Ne plantons pas les germes de la violence et de l’humiliation, car ils produiront demain les fruits du rejet et de la vengeance. Vous êtes un visionnaire, alors regardons plus loin et plantons dès aujourd’hui les germes de paix, de justice et de concorde pour des générations à venir.
Paris, le 21 Janvier 2013Honoré NGBANDA NZAMBO KO ATUMBA
Président National de l’APARECO
Ci-dessous en annexe : La lettre de Yoweri Kaguta Museveni au Secrétaire Général de l’ONU (Lettre traduite par l’APARECO)Kampala, le 11 Janvier 2013
Excellence,
Je vous envoie des salutations chaleureuses du Gouvernement et du peuple de l'Ouganda, et vous souhaite une heureuse et prospère année 2013, comme nous nous battons pour gérer quelques problèmes liés aux grands défis qui affectent nos peuples. Je voudrais vous remercier pour votre intérêt personnel continu et l'engagement sur les problèmes africains, et davantage sur la question de trouver une paix et sécurité durables dans la Région des Grands Lacs. Je vous écris par rapport au Cadre de travail proposé pour la paix et la sécurité pour la RDC et la Région des Grands Lacs que vous m'avez envoyé en Décembre 2012. Je salue et je suis d'accord avec les propositions que vous m'avez faites dans ce Cadre de travail, concernant les principes d'engagement et d'obligations qui doivent être suivis par le Gouvernement de la RDC, la Région des Grands Lacs et la Communauté internationale. Néanmoins, il y a trois problèmes critiques, que je crois, qui doivent faire partie du Cadre de travail si nous voulons solutionner le problème de la RDC a long terme.
1. Les droits de citoyenneté pour certains groupes ethniques congolais doivent etre respectés et garantis. Faire autrement voudrait dire que ces groupes vont continuer de manière intermittente a se battre pour la reconnaissance de leurs droits comme citoyens de la RDC. Durant le temps de Mobutu, quelques groupes Tutsi étaient déclarés non-Congolais. Le Gouvernement actuel (Président Joseph Kabila) n'a pas répété la posture du Président Mobutu sur la non-Congolité des Banyarwanda. Toutefois, les Banyarwanda Congolais se plaignent pour les campagnes de haine qui sont tolérés par le Gouvernement. Ceci doit être discuté et résolu.
2.La question des forces négatives qui continuent à utiliser le territoire de la RDC comme un refuge pour déstabiliser ses voisins, et
3.L'usage déséquilibré et l'application des institutions du système de la justice internationale et les dispositions, particulièrement la Cour pénale internationale et le régime des sanctions des Nations Unies. Bien que combattre l'impunité soit idéal et acceptable, la recherche de la paix devrait précéder la justice, et devrait s'appliquer de manière égale a toutes les parties. Dans le Cadre de travail proposé, en conséquence, les problèmes relevés aux points (1) et (2) ci-dessus doivent être inclus comme obligations de la RDC, et le point (3) devrait s'ajouter aux obligations de la Communauté internationale.
Veuillez accepter, Excellence, les assurances de ma très haute considération.S/é Yoweri Kaguta Museveni Président.
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Re: Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
RDC : Les vérités sur le M23 de Joseph Kitenge Mulongoy
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/02/05/rdc-les-verites-sur-le-m23-de-joseph-kitenge-mulongoy.html
Dans une tribune publiée par Afrikarabia le 15 janvier 2013, intitulée "Pourquoi accuser le seul M23 ?", des intellectuels dénonçaient la "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit actuellement dans l'Est de la République démocratique du Congo. Les signataires de la tribune considéraient que "s'acharner contre une seule rébellion" (le M23) ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés. Le député congolais Joseph Kitenge Mulongoy a souhaité répondre à ce texte "erroné", selon lui, et "rétablir la vérité". Voici ses explications.
Je viens de lire, via le blog Afrikarabia, la correspondance que vous avez adressée à Son Excellence Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU en rapport avec la situation qui prévaut à l’Est de la RDC, correspondance dans laquelle vous fustigez la mise en accusation de la seule rébellion du M23 par le rapport des experts de l’ONU (le texte de la tribune est accessible ici). Selon vous, il y a « acharnement contre une seule rébellion » alors qu’il y en a plusieurs (que vous énumérez) qui sont même plus anciennes que le M23. Vous mettez ainsi en cause l’impartialité des experts.
Dans le souci de rétablir la vérité, permettez-moi de vous dire que votre lecture de la situation est erronée dans une bonne mesure. Lorsque vous dites, je cite : « L’irruption du M23 sur la scène du drame congolais est postérieure à la présence de la Monusco et des groupes armés au Congo. Cela veut dire que le M23 est moins la cause qu’une simple conséquence d’une crise régionale aux multiples facettes » vous êtes tout à fait à coté de la plaque. La vérité, en effet, c’est que le M23 est une rébellion vieille de 14 ans révolus qui a commencé depuis 1998 ! En 1998 on l’appelait RCD, ensuite elle est devenue CNDP et aujourd’hui M23. Il vous suffit d’ailleurs de reconsidérer son appellation « M23 » qui se réfère aux accords du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et la rébellion du CNDP pour comprendre sans équivoque que le M23 c’est bien le CNDP. Rien que par là il est erroné de parler aujourd’hui d’une « irruption » comme si le M23 venait de nulle part, alors qu’il est le CNDP rebaptisé.
Cela étant clarifié, il ne reste qu’à vous démontrer que le CNDP est lui-même le relais du RCD (rébellion née en 1998) et ensuite que le RCD est une création du Rwanda, pour vous amener à comprendre par déduction logique que le M23 c’est bien le RCD et que, de ce fait, il est une création du Rwanda. Vous comprendrez alors la pertinence du rapport des experts de l’ONU qui n’a pas mis les groupes armés que vous citez dans le même sac que le M23. Ces autres groupes armés, à l’exception du FDLR, LRA et ADF, ne sont que des mouvements de résistance nés en réponse aux exactions de ces rébellions pro rwandaises contre des civiles sans défense. Que le M23 soit considéré comme une organisation criminelle, cela est juste au regard des dégâts humains que cette rébellion engendre depuis 1998.
Pour mieux appréhender cette situation qui, avouons-le, est très complexe, il faut remonter à 1996 lorsque, deux ans après le génocide rwandais de 1994, l’armée rwandaise escorte Monsieur Laurent Désiré Kabila au pouvoir à Kinshasa. A cette occasion, l’armée rwandaise s’est livrée à la chasse aux génocidaires dont la présence parmi les réfugiés rwandais dans les Kivus constituait une menace. Il s’est fait que dans leur traque des génocidaires hutus les soldats rwandais (presqu’exclusivement tutsis) ont commis des graves erreurs en tuant aussi des hutus congolais (morphologiquement semblables aux génocidaires). Puisque les soldats rwandais étaient seuls maîtres sur le terrain en sorte que personne ne pouvait venir en aide aux populations civiles des Kivus, celles-ci se sont constituées en groupes de résistances sous l’appellation commune de « Mayi-mayi ». Ce ne fut qu’à partir de ce moment que ce mot « Mayi-mayi » commença à être entendu et ce fut aussi le début du désordre dans les Kivus.
Ensuite, lorsqu’en 1998 le Président Laurent Désiré Kabila divorce brutalement d’avec l’armée rwandaise en l’accusant de (je cite) « vouloir dominer tout le monde », celle-ci se replie à Goma et commence une rébellion sous l’appellation de « RCD ». Profitant du fait qu’il existe en RDC des tutsis autochtones du Nord-Kivu, ces soldats rwandais devinrent tout simplement des rebelles congolais pour le compte du RCD. Cela radicalisa encore les Mayi-mayi si bien que, pour asseoir sa domination, la rébellion du RCD fut obligée de commettre des graves exactions contre la population civile que vous êtes sensés ne pas ignorer (le massacre de Kiwanja, le massacre de Makobola où plusieurs femmes furent enterrées vivantes, etc.).
A la faveur des accords inter congolais de Lusaka, puis ceux de Sun City, le RCD devint un parti politique et son chef politique devint un des 4 vice-présidents de la République. Il fut convenu que toutes les rebellions (RCD ainsi que le MLC qui opérait à l’Ouest du pays) déversent leurs armées au sein de l’armée nationale et, chose significative, que le commandement de l’armée de terre soit confié au RCD. Il y eut un semblant de paix qui nous a permis d’organiser un référendum constitutionnel et de mettre en place des institutions démocratiques à l’issue des élections générales de 2006. Nous étions alors engagés dans un grand chantier de reconstruction nationale, y compris celle de l’armée. Mais premier bémol : les soldats rwandophones (donc issus du RCD) refusent d’être brassés pour aller servir sous le drapeau dans d’autres provinces de la RDC ! Puisque les rebelles devaient intégrer l’armée et la police nationales avec leurs grades respectifs, la chaîne de commandement dans les Kivus se retrouva presqu’exclusivement sous contrôle des officiers issus du RCD. Dès cet instant, parler de l’armée et de la police nationales dans les Kivus c’est designer les « ex-rebelles » du RCD et donc, c’est designer en réalité l’armée rwandaise. Ce sont donc une FARDC et une PNC qui étaient loin de rassurer les populations civiles qui ne comprenaient pas comment les mêmes soldats étrangers qui les ont massacrées hier peuvent devenir des nationaux protecteurs du jour au lendemain. De l’autre coté « l’armée » et « la police » (hier RCD) demeurent sur le qui-vive face à une population dont ils sont certains qu’elle ne les porte pas, redoutant une attaque dans tout ce qui bouge. Dans ce climat de méfiance proche de la paranoïa de deux cotés, des soldats (ex-RCD) commettront encore beaucoup d’exactions. Ils se mutineront par la suite pour créer une deuxième rébellion baptisée CNDP toujours sous le parrainage du Rwanda. En conséquence, les groupes Mayi-mayi reprendront aussi de plus belle, considérant les rebelles comme des « occupants ».
Si donc vous appelez ces groupes Mayi-mayi comme étant des rebellions c’est parce que vous êtes piégés par la stratégie de leurs adversaires. En effet, jusqu’aux accords de Sun City les Mayi-mayi combattaient l’occupant et oppresseur rwandais déguisé en « RCD ». Après Sun City ils combattent le même RCD mais qui devient l’Armée et la Police Nationales, et du coup ce sont eux qui passent pour des rebelles ! Lorsque plusieurs fois on a dit : « les Mayi-mayi ont attaqué les positions des FARDC » il faut bien comprendre que les Mayi-mayi ne voyaient pas les FARDC quoique arborant l’insigne du drapeau national ; ils voyaient plutôt (et à juste titre) les occupants RCD (ou CNDP). Car ceux que l’on voit aujourd’hui sous le label « FARDC » ce sont les mêmes qu’on voyait hier sous le label « RCD » ou « CNDP ».
L’autre astuce de Kigali qui piège vos éminences c’est que, depuis la première mutinerie des soldats pro rwandais (CNDP) un bon nombre d’entre eux restent systématiquement dans le camp du Gouvernement (FARDC). C’est encore le cas aujourd’hui avec le M23 où seule une partie de l’ex-CNDP s’est mutinée. Cela fait que lorsque le Gouvernement veut mener une offensive c’est avec les officiers et soldats de la « rébellion » qu’il concocte des plans pour combattre la rébellion. Vous comprenez à présent pourquoi le Gouvernement ne gagne pas de bataille contre les rebellions de l’Est et pourquoi, pour les groupes de résistance à l’Est, entre les rebelles (CNDP ou M23) d’une part et l’armée gouvernementale de l’autre, c’est comme « bonnet blanc » et « blanc bonnet ».
Il suffit que le Rwanda arrête de militariser l’Est de la RDC et que par conséquent le cycle des rébellions s’arrête, que les soldats congolais d’expression rwandophone acceptent de servir sous le drapeau sur l’ensemble de la RDC (2.345.000 km²), et le résultat sera la restauration de l’autorité de l’Etat. Aujourd’hui, du fait de ces yoyos des Kivus et de la tactique d’infiltration du corps de l’armée et de la police par des éléments à la vocation contraire au bienêtre des congolais, cette autorité de l’Etat est très érodée. Pour un pays doté d’aussi importantes ressources minières que la RDC, l’absence de cette autorité laisse un champ libre à la manifestation des convoitises affairistes dans un climat de chao et au mépris des lois.
S’il est légitime pour le Rwanda de se protéger contre les menaces des FDLR, les dirigeants rwandais devraient savoir que c’est avec une RDC stable et militairement efficace qu’ils pourront y parvenir ; pas seuls. En déstabilisant l’Est de la RDC tel que c’est le cas actuellement, le Rwanda ne fait que pérenniser et rendre plus insaisissable le FDLR. La communauté internationale doit s’y impliquer très rapidement de peur que cette partie de notre pays ne devienne un espace vitale pour les terroristes que personne ne saura plus contrôler, même pas le Rwanda lui-même.
Chers Messieurs et Dames,
Après cette mise au point j’espère que vous adopterez dorénavant une attitude idoine. Personne ne menace les congolais d’expression rwandophone, contrairement à ce que vous prétextez dans votre correspondance. Dans l’histoire de notre pays certains de ces compatriotes ont occupé des très hautes fonctions comme celles du Directeur de Cabinet du Président de la République, d’autres des Sénateurs ou mandataires publics, sans que cela dérange qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’il y a eu génocide des tutsis au Rwanda que les tutsis de la RDC devraient revêtir un statut spécial. Ils sont citoyens au même titre que ceux des autres ethnies, et tous nous devons par conséquent être protégés par les mêmes lois et au même pied d’égalité.
Lorsque vous dites dans votre correspondance qu’une partie des terres rwandaises s’était retrouvée annexée au Congo à la faveur de la conférence de Berlin en 1885, nous comprenons que vous faites une introduction au plaidoyer du Rwanda qui a besoin de récupérer « son morceau ». Nous ne sommes pas dupes ; nous avons commencé à le comprendre dès l’instant où leurs marionnettes du CNDP avaient fait inscrire le découpage de la province du Nord Kivu en deux morceaux parmi leurs revendications du 23 mars 2009. C’est là la stratégie du Rwanda qui consiste à semer la terreur pour décourager nos esprits, à occuper le morceau convoité et à y infiltrer massivement les citoyens rwandais. En martelant sur les soi-disant messages de haine du Gouverneur du Nord-Kivu (sans faire aucunement allusion aux atrocités infligées aux civiles), nous vous voyons préparer l’opinion internationale à légitimer la demande du référendum d’autodétermination qui est la prochaine étape à venir.
Nous exigeons du respect de la part du Rwanda. Les lois internationales doivent être respectées aussi. Il n’y a pas qu’au Rwanda et en RDC où, à l’issue de la Conférence de Berlin de 1885, des ethnies se sont retrouvées à cheval sur deux frontières. Du reste, rien n’indique dans notre cas que c’est un morceau du Rwanda annexé au Congo et pas un morceau du Congo annexé au Rwanda. Tant qu’il y aura des tueries barbares à l’encontre de populations bantoues de l’Est, tant que leurs femmes et leurs filles seront impunément violées, c’est très injuste de leur dénier le droit de se défendre et de dénoncer leurs bourreaux. Il faut donc que les soldats rwandais retournent au Rwanda et que les soldats et policiers tutsis de la RDC acceptent de quitter l’Est pour aller servir le pays ailleurs (s’ils sont réellement congolais) afin de permettre que d’autres viennent assurer la sécurité des biens et des personnes, y compris des tutsis civiles comme ce fut le cas depuis toujours jusqu’en 1996.
Tout en vous remerciant de votre attention, je vous adresse mes salutations distinguées.
Pasteur KITENGE MULONGOY Joseph,
Député National de la RDC
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/02/05/rdc-les-verites-sur-le-m23-de-joseph-kitenge-mulongoy.html
Dans une tribune publiée par Afrikarabia le 15 janvier 2013, intitulée "Pourquoi accuser le seul M23 ?", des intellectuels dénonçaient la "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit actuellement dans l'Est de la République démocratique du Congo. Les signataires de la tribune considéraient que "s'acharner contre une seule rébellion" (le M23) ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés. Le député congolais Joseph Kitenge Mulongoy a souhaité répondre à ce texte "erroné", selon lui, et "rétablir la vérité". Voici ses explications.
Je viens de lire, via le blog Afrikarabia, la correspondance que vous avez adressée à Son Excellence Monsieur le Secrétaire Général de l’ONU en rapport avec la situation qui prévaut à l’Est de la RDC, correspondance dans laquelle vous fustigez la mise en accusation de la seule rébellion du M23 par le rapport des experts de l’ONU (le texte de la tribune est accessible ici). Selon vous, il y a « acharnement contre une seule rébellion » alors qu’il y en a plusieurs (que vous énumérez) qui sont même plus anciennes que le M23. Vous mettez ainsi en cause l’impartialité des experts.
Dans le souci de rétablir la vérité, permettez-moi de vous dire que votre lecture de la situation est erronée dans une bonne mesure. Lorsque vous dites, je cite : « L’irruption du M23 sur la scène du drame congolais est postérieure à la présence de la Monusco et des groupes armés au Congo. Cela veut dire que le M23 est moins la cause qu’une simple conséquence d’une crise régionale aux multiples facettes » vous êtes tout à fait à coté de la plaque. La vérité, en effet, c’est que le M23 est une rébellion vieille de 14 ans révolus qui a commencé depuis 1998 ! En 1998 on l’appelait RCD, ensuite elle est devenue CNDP et aujourd’hui M23. Il vous suffit d’ailleurs de reconsidérer son appellation « M23 » qui se réfère aux accords du 23 mars 2009 entre le Gouvernement et la rébellion du CNDP pour comprendre sans équivoque que le M23 c’est bien le CNDP. Rien que par là il est erroné de parler aujourd’hui d’une « irruption » comme si le M23 venait de nulle part, alors qu’il est le CNDP rebaptisé.
Cela étant clarifié, il ne reste qu’à vous démontrer que le CNDP est lui-même le relais du RCD (rébellion née en 1998) et ensuite que le RCD est une création du Rwanda, pour vous amener à comprendre par déduction logique que le M23 c’est bien le RCD et que, de ce fait, il est une création du Rwanda. Vous comprendrez alors la pertinence du rapport des experts de l’ONU qui n’a pas mis les groupes armés que vous citez dans le même sac que le M23. Ces autres groupes armés, à l’exception du FDLR, LRA et ADF, ne sont que des mouvements de résistance nés en réponse aux exactions de ces rébellions pro rwandaises contre des civiles sans défense. Que le M23 soit considéré comme une organisation criminelle, cela est juste au regard des dégâts humains que cette rébellion engendre depuis 1998.
Pour mieux appréhender cette situation qui, avouons-le, est très complexe, il faut remonter à 1996 lorsque, deux ans après le génocide rwandais de 1994, l’armée rwandaise escorte Monsieur Laurent Désiré Kabila au pouvoir à Kinshasa. A cette occasion, l’armée rwandaise s’est livrée à la chasse aux génocidaires dont la présence parmi les réfugiés rwandais dans les Kivus constituait une menace. Il s’est fait que dans leur traque des génocidaires hutus les soldats rwandais (presqu’exclusivement tutsis) ont commis des graves erreurs en tuant aussi des hutus congolais (morphologiquement semblables aux génocidaires). Puisque les soldats rwandais étaient seuls maîtres sur le terrain en sorte que personne ne pouvait venir en aide aux populations civiles des Kivus, celles-ci se sont constituées en groupes de résistances sous l’appellation commune de « Mayi-mayi ». Ce ne fut qu’à partir de ce moment que ce mot « Mayi-mayi » commença à être entendu et ce fut aussi le début du désordre dans les Kivus.
Ensuite, lorsqu’en 1998 le Président Laurent Désiré Kabila divorce brutalement d’avec l’armée rwandaise en l’accusant de (je cite) « vouloir dominer tout le monde », celle-ci se replie à Goma et commence une rébellion sous l’appellation de « RCD ». Profitant du fait qu’il existe en RDC des tutsis autochtones du Nord-Kivu, ces soldats rwandais devinrent tout simplement des rebelles congolais pour le compte du RCD. Cela radicalisa encore les Mayi-mayi si bien que, pour asseoir sa domination, la rébellion du RCD fut obligée de commettre des graves exactions contre la population civile que vous êtes sensés ne pas ignorer (le massacre de Kiwanja, le massacre de Makobola où plusieurs femmes furent enterrées vivantes, etc.).
A la faveur des accords inter congolais de Lusaka, puis ceux de Sun City, le RCD devint un parti politique et son chef politique devint un des 4 vice-présidents de la République. Il fut convenu que toutes les rebellions (RCD ainsi que le MLC qui opérait à l’Ouest du pays) déversent leurs armées au sein de l’armée nationale et, chose significative, que le commandement de l’armée de terre soit confié au RCD. Il y eut un semblant de paix qui nous a permis d’organiser un référendum constitutionnel et de mettre en place des institutions démocratiques à l’issue des élections générales de 2006. Nous étions alors engagés dans un grand chantier de reconstruction nationale, y compris celle de l’armée. Mais premier bémol : les soldats rwandophones (donc issus du RCD) refusent d’être brassés pour aller servir sous le drapeau dans d’autres provinces de la RDC ! Puisque les rebelles devaient intégrer l’armée et la police nationales avec leurs grades respectifs, la chaîne de commandement dans les Kivus se retrouva presqu’exclusivement sous contrôle des officiers issus du RCD. Dès cet instant, parler de l’armée et de la police nationales dans les Kivus c’est designer les « ex-rebelles » du RCD et donc, c’est designer en réalité l’armée rwandaise. Ce sont donc une FARDC et une PNC qui étaient loin de rassurer les populations civiles qui ne comprenaient pas comment les mêmes soldats étrangers qui les ont massacrées hier peuvent devenir des nationaux protecteurs du jour au lendemain. De l’autre coté « l’armée » et « la police » (hier RCD) demeurent sur le qui-vive face à une population dont ils sont certains qu’elle ne les porte pas, redoutant une attaque dans tout ce qui bouge. Dans ce climat de méfiance proche de la paranoïa de deux cotés, des soldats (ex-RCD) commettront encore beaucoup d’exactions. Ils se mutineront par la suite pour créer une deuxième rébellion baptisée CNDP toujours sous le parrainage du Rwanda. En conséquence, les groupes Mayi-mayi reprendront aussi de plus belle, considérant les rebelles comme des « occupants ».
Si donc vous appelez ces groupes Mayi-mayi comme étant des rebellions c’est parce que vous êtes piégés par la stratégie de leurs adversaires. En effet, jusqu’aux accords de Sun City les Mayi-mayi combattaient l’occupant et oppresseur rwandais déguisé en « RCD ». Après Sun City ils combattent le même RCD mais qui devient l’Armée et la Police Nationales, et du coup ce sont eux qui passent pour des rebelles ! Lorsque plusieurs fois on a dit : « les Mayi-mayi ont attaqué les positions des FARDC » il faut bien comprendre que les Mayi-mayi ne voyaient pas les FARDC quoique arborant l’insigne du drapeau national ; ils voyaient plutôt (et à juste titre) les occupants RCD (ou CNDP). Car ceux que l’on voit aujourd’hui sous le label « FARDC » ce sont les mêmes qu’on voyait hier sous le label « RCD » ou « CNDP ».
L’autre astuce de Kigali qui piège vos éminences c’est que, depuis la première mutinerie des soldats pro rwandais (CNDP) un bon nombre d’entre eux restent systématiquement dans le camp du Gouvernement (FARDC). C’est encore le cas aujourd’hui avec le M23 où seule une partie de l’ex-CNDP s’est mutinée. Cela fait que lorsque le Gouvernement veut mener une offensive c’est avec les officiers et soldats de la « rébellion » qu’il concocte des plans pour combattre la rébellion. Vous comprenez à présent pourquoi le Gouvernement ne gagne pas de bataille contre les rebellions de l’Est et pourquoi, pour les groupes de résistance à l’Est, entre les rebelles (CNDP ou M23) d’une part et l’armée gouvernementale de l’autre, c’est comme « bonnet blanc » et « blanc bonnet ».
Il suffit que le Rwanda arrête de militariser l’Est de la RDC et que par conséquent le cycle des rébellions s’arrête, que les soldats congolais d’expression rwandophone acceptent de servir sous le drapeau sur l’ensemble de la RDC (2.345.000 km²), et le résultat sera la restauration de l’autorité de l’Etat. Aujourd’hui, du fait de ces yoyos des Kivus et de la tactique d’infiltration du corps de l’armée et de la police par des éléments à la vocation contraire au bienêtre des congolais, cette autorité de l’Etat est très érodée. Pour un pays doté d’aussi importantes ressources minières que la RDC, l’absence de cette autorité laisse un champ libre à la manifestation des convoitises affairistes dans un climat de chao et au mépris des lois.
S’il est légitime pour le Rwanda de se protéger contre les menaces des FDLR, les dirigeants rwandais devraient savoir que c’est avec une RDC stable et militairement efficace qu’ils pourront y parvenir ; pas seuls. En déstabilisant l’Est de la RDC tel que c’est le cas actuellement, le Rwanda ne fait que pérenniser et rendre plus insaisissable le FDLR. La communauté internationale doit s’y impliquer très rapidement de peur que cette partie de notre pays ne devienne un espace vitale pour les terroristes que personne ne saura plus contrôler, même pas le Rwanda lui-même.
Chers Messieurs et Dames,
Après cette mise au point j’espère que vous adopterez dorénavant une attitude idoine. Personne ne menace les congolais d’expression rwandophone, contrairement à ce que vous prétextez dans votre correspondance. Dans l’histoire de notre pays certains de ces compatriotes ont occupé des très hautes fonctions comme celles du Directeur de Cabinet du Président de la République, d’autres des Sénateurs ou mandataires publics, sans que cela dérange qui que ce soit. Ce n’est pas parce qu’il y a eu génocide des tutsis au Rwanda que les tutsis de la RDC devraient revêtir un statut spécial. Ils sont citoyens au même titre que ceux des autres ethnies, et tous nous devons par conséquent être protégés par les mêmes lois et au même pied d’égalité.
Lorsque vous dites dans votre correspondance qu’une partie des terres rwandaises s’était retrouvée annexée au Congo à la faveur de la conférence de Berlin en 1885, nous comprenons que vous faites une introduction au plaidoyer du Rwanda qui a besoin de récupérer « son morceau ». Nous ne sommes pas dupes ; nous avons commencé à le comprendre dès l’instant où leurs marionnettes du CNDP avaient fait inscrire le découpage de la province du Nord Kivu en deux morceaux parmi leurs revendications du 23 mars 2009. C’est là la stratégie du Rwanda qui consiste à semer la terreur pour décourager nos esprits, à occuper le morceau convoité et à y infiltrer massivement les citoyens rwandais. En martelant sur les soi-disant messages de haine du Gouverneur du Nord-Kivu (sans faire aucunement allusion aux atrocités infligées aux civiles), nous vous voyons préparer l’opinion internationale à légitimer la demande du référendum d’autodétermination qui est la prochaine étape à venir.
Nous exigeons du respect de la part du Rwanda. Les lois internationales doivent être respectées aussi. Il n’y a pas qu’au Rwanda et en RDC où, à l’issue de la Conférence de Berlin de 1885, des ethnies se sont retrouvées à cheval sur deux frontières. Du reste, rien n’indique dans notre cas que c’est un morceau du Rwanda annexé au Congo et pas un morceau du Congo annexé au Rwanda. Tant qu’il y aura des tueries barbares à l’encontre de populations bantoues de l’Est, tant que leurs femmes et leurs filles seront impunément violées, c’est très injuste de leur dénier le droit de se défendre et de dénoncer leurs bourreaux. Il faut donc que les soldats rwandais retournent au Rwanda et que les soldats et policiers tutsis de la RDC acceptent de quitter l’Est pour aller servir le pays ailleurs (s’ils sont réellement congolais) afin de permettre que d’autres viennent assurer la sécurité des biens et des personnes, y compris des tutsis civiles comme ce fut le cas depuis toujours jusqu’en 1996.
Tout en vous remerciant de votre attention, je vous adresse mes salutations distinguées.
Pasteur KITENGE MULONGOY Joseph,
Député National de la RDC
link
Re: Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
link a écrit:"Pourquoi accuser le seul M23 ?"
http://afrikarabia2.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/01/15/kivu-rdc-pourquoi-accuser-le-seul-m23.html
Des écrivains, artistes, chercheurs et professeurs des universités interpellent le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon sur la situation dans l'Est du Congo. Dans une lettre ouverte que nous publions, ces intellectuels dénoncent une "lecture partiale" et "réductrice" du conflit qui sévit dans les Kivus. S'ils reconnaissent "la nécessité d'une attitude ferme vis à vis du M23" et du Rwanda, accusé de soutenir les rebelles, ils considèrent que "s'acharner contre une seule rébellion" ne fait qu'occulter le rôle des dizaines d'autres groupes armés.
(...)
Monsieur le Secrétaire général,
(...)
Encore de la propagande du lobby tutsi qui veut dérouter le public de leurs culpabilités !!!
Compatriotiquement!
ndonzwau
Re: Lettre ouverte "Pourquoi accuser le seul M23 ?"
http://democratiechretienne.org/2013/02/07/la-guerre-des-kabila-etienne-kabila-veut-renverser-joseph-kabila/
LA GUERRE DES "KABILA": ETIENNE KABILA VEUT RENVERSER JOSEPH KABILA
democratiechretienne.org
Flash: Rebelles Afrique du Sud: Etienne Kabila, l'instigateur présumé est recherché! Jeudi, 07 Février 2013
LA GUERRE DES "KABILA": ETIENNE KABILA VEUT RENVERSER JOSEPH KABILA
democratiechretienne.org
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KOTA
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